Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/394

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
390
REVUE DES DEUX MONDES.

— Et cet état une fois bien assuré, ne songeâtes-vous pas qu’il serait possible de lever les autres difficultés ? votre père n’eût il pas dérogé un peu devant la considération de ne point vous donner de dot ?

— Je ne le pense pas. Il était préoccupé alors de la fantaisie d’avoir des places et des honneurs, et rien de ce qui eût pu lui faire perdre les faveurs de la cour, ne lui eût semblé admissible.

— Mais que diable ! une fille majeure…

— Parquet, je dois plus de respect extérieur à la volonté de M. de Fougères que si j’étais avec lui dans des termes ordinaires. Je suis dépositaire d’un secret plus sacré que mon bonheur et que ma vie, et tout ce qui pourrait amener un éclat entre lui et moi m’est plus défendu et plus impossible que si toutes les lois de la terre s’y opposaient.

— Étrange, étrange ! dit M. Parquet en se frappant le front ; mais lorsque votre père se maria, ii avait renoncé à son ambition administrative, car il ne prit une femme qu’en désespoir de cause, nous le savons, quoi qu’il en dise. Il eût pu entendre raison pour votre mariage avec Simon, si vous m’eussiez chargé de cela. Simon était déjà à flot, moins qu’aujourd’hui, il est vrai, mais assez pour voguer avec vous.

— Non, mon ami, vous vous trompez. J’ai mieux compris que vous la position de Simon. Je l’ai examinée avec plus d’attention et de sollicitude, quoique vous n’en ayez pas manqué ; j’ai vu que Simon n’était pas seulement un homme de talent, j’ai vu qu’il était un homme de génie, et qu’il avait le champ précieux de son avenir à cultiver avec soin. Sa tendresse pour moi, les soins du ménage, l’inquiétude de manger qui paralyse les plus belles facultés, eussent gêné son essor…

— Non, vous vous trompez, Fiamma, je vous jure, tout cela pour vous, et avec vous, l’eût fait marcher plus vite.

— Je ne le pensai pas et je n’en juge pas encore ainsi. Ma présence lui devenait funeste ; je m’éloignai. Ajoutez à toutes ces raisons que revenir en sa faveur sur une résolution tellement annoncée depuis long-temps, arracher de force un époux aux entraves que les dispositions fortuites de la société plaçaient en dehors de ma sphère, quereller mon père, risquer mon secret, faire du scandale, remplir la province de mon nom, sans être assurée du succès, suf-