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SIMON.

comment voulez-vous qu’on se fonde sur le sérieux d’un débat judiciaire, entre des gens qui vont le soir fraterniser au cabaret, ou, ce qu’il y a de pire, se prêter mutuellement des sermens épouvantables dans un club carbonaro ? »

— Je n’ai jamais dit cela, monsieur Parquet, s’écria le comte au désespoir. Je suis le plus malheureux des hommes ; on m’a indignement calomnié.

Sa détresse fit pitié à M. Parquet, en même temps qu’il lui donna envie de rire, car mieux que personne il savait l’innocence de M. de Fougères quant à ce propos. L’amplification était éclose dans le cerveau de M. Parquet. Le comte avait confié son affaire à un autre que Simon, par méfiance de son habileté et par crainte aussi de sa trop grande délicatesse. L’affaire était mauvaise ; il le savait. Ce n’était pas un orateur éloquent et chaleureux qu’il lui fallait, c’était un ergoteur intrépide, un sophiste spécieux. Il pouvat triompher avec l’homme qu’il avait choisi, mais non pas triompher de Simon, qui plaidait pour ses coopinionnaires, et qui, dans une position tout-à-fait favorable au développement de son caractère, devait là, plus qu’en aucune autre occasion, déployer cette puissance, cette bravoure et cette rudesse d’honnêteté qui faisaient sa plus grande force. D’un mot il devait culbuter toutes les controverses, d’autant plus que c’était un homme à tout oser en matière politique, et à tout dire sans le moindre ménagement.

Il est vrai aussi que les adversaires du comte n’avaient pas encore choisi Simon pour leur défenseur, que Simon n’avait pas songé à leur en servir, qu’il ignorait même le prétendu affront fait par M. de Fougères à son intégrité ; en un mot, que toute cette indignation et toutes ces menaces étaient le savant artifice que depuis la veille maître Parquet tenait en réserve avec le plus grand mystère, sachant bien que Simon ne s’y prêterait pas volontiers.

L’artifice, il faut aussi le dire, n’eût pas été loin sans la timidité d’esprit du comte ; mais sous le caractère le plus obstiné, cet homme cachait la tête la plus faible. Toujours habitué à louvoyer, à tout oser sous le voile d’une hypocrite politesse, dès qu’on l’attaquait en face, il était perdu. Cela était difficile ; il inspirait trop de dégoût aux ames fortes ; il leurrait de trop de promesses et de protestations les esprits faibles, pour qu’on daignât ou pour qu’on osât lui faire des reproches ; et certes, M. Parquet ne s’en fût jamais donné