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hallérienne sont reproduits avec des détails proportionnés à la vogue qu’ils ont eue. Les écoles empiriques de cette période, l’histoire de l’inoculation, et l’invasion de la médecine des thaumaturges à la suite de Mesnier, terminent cette section.

La cinquième partie est remplie tout entière par les dix dernières années du xviiie siècle. Cette époque, si célèbre pour l’histoire politique de l’Europe et de la France en particulier, ne l’est pas moins dans les fastes de l’art de guérir. L’auteur s’est attaché à présenter le résumé des principaux ouvrages qui parurent alors, en anatomie, en physiologie, en pathologie, en thérapeutique, et en matière médicale. La découverte de la vaccine termine dignement ce siècle si fécond en évènemens extraordinaires.

Enfin, la sixième et dernière partie, sorte d’appendice séparé du reste de l’ouvrage, est une exposition des phases principales de la médecine opératoire, depuis son origine jusqu’au xixe siècle. L’auteur a cru devoir placer ce résumé à part, pour ceux qui attachent de l’importance à séparer la médecine de la chirurgie.

Cette indication des matières suffit pour montrer l’utilité de cet ouvrage.

La préface que M. Gasté a mise en tête de son livre nous a paru importante à d’autres égards. C’est un tableau des malheurs de tout genre, qui résultent pour le peuple, comme pour les médecins eux-mêmes, de l’absence de toute organisation dans la pratique de la médecine. Le médecin a bien plus souvent affaire aux pauvres qu’aux riches. À Paris, le tiers de la population meurt dans les hôpitaux. Sur deux cent soixante-un mille trois cent soixante personnes décédées dans cette ville de 1821 à 1830, il y en a deux cent treize mille cinq cent trois (83 sur 100) qui sont mortes, soit dans les hôpitaux, soit dans les maisons particulières, sans laisser de quoi se faire enterrer, c’est-à-dire sans laisser quinze francs de réserve. La même misère s’observe, dans une proportion à peu près égale, dans toutes les grandes villes. Quant au peuple des campagnes, payer un salaire au médecin lui paraît odieux. Tout ce qui est manouvrier et prolétaire regarde les secours de la médecine, s’ils ne lui sont pas donnés gratuitement, comme au-dessus de ses ressources. De là, des maux de tout genre : des maladies légères deviennent graves et mortelles ; une maladie, avec la cessation de travail qu’elle entraîne et la dépense qu’elle occasione, est pour le pauvre une cause de ruine et de malheurs irréparables. Quant aux enfans, M. Gasté remarque avec raison que la médecine n’existe pas pour eux ; que l’immense majorité de ceux qui périssent meurent, sans avoir reçu les soins d’un médecin. Mais si le peuple, c’est-à-dire la presque totalité de la nation, ne peut, faute, d’économie faute de richesse, user à temps et convenablement de la médecine, ne voit-on pas clairement quel doit être le sort des médecins ? Ce sont des producteurs : dont les produits n’ont pas cours ; on ne veut pas de leurs services ; ou, si l’on en veut, on ne peut les payer convenablement. En vain le peuple en a besoin, en vain la mort menace et frappe, en vain les calamités se succèdent ; le médecin, qui pourrait être si utile,