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JOCELYN.

il écrit à sa sœur, revenue avec sa mère de l’exil, les détails que tout le monde a lus, de son pauvre presbytère, de ses laborieuses journées, de ses nuits troublées encore.

Cette poésie de curé de campagne est neuve en France, et M. de Lamartine méritait bien de l’y introduire et de l’y naturaliser. Elle existe depuis long-temps en Allemagne, en Angleterre surtout ; on ferait une douce et piquante histoire de tous les pasteurs, recteurs, curés ou vicaires, qui ont été poètes ou que les poètes ont chantés. La Louise de Voss est fille du vénérable pasteur de Grunau, et son amant Valter est lui-même pasteur d’un village voisin. Goldsmith, dans son délicieux poème du Village abandonné, a peint l’idéal de tous ces curés modestes, de ces vicaires bienfaisans, dont il a reproduit ensuite le portrait avec plus de réalité, mais non moins de charme, dans son Vicaire de Wakefield. Fielding, dans Joseph Andrews, a également son bon curé, et la Paméla de Richardson, à défaut du jeune lord, ne doit-elle pas épouser quelque vicaire ? Mais, pour nous en tenir au curé, au vicaire de campagne, poétique ou poète, c’est à celui du Village abandonné qu’il faut revenir comme type aimable :


A man he was to all the country dear,
And passing rich with forty pounds a year.


Delille, dans l’Homme des Champs, en imitant ce fin et doux tableau, nous l’a tout-à-fait défiguré par le vague et la banalité des traits :


Voyez-vous ce modeste et pieux presbytère ?
Là vit l’homme de Dieu dont le saint ministère
Du peuple réuni présente au ciel les vœux,
Ouvre sur le hameau tous les trésors des cieux,
Soulage le malheur, consacre l’hyménée, etc.


et plus loin :


Honorez ses travaux ! Que son logis antique,
Par vous rendu décent et non pas magnifique, etc.


Et cela au lieu du frais taillis et du jardin souriant de l’aimable curé