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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/677

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THOMAS MORUS.

médiaire entre les catholiques exclusifs et les catholiques tolérans, auxquels il adressait son Apologie. L’orgueil de l’innocence éclate dans ces lignes :

« Maintenant quelle foi le Pacificateur va-t-il ajouter à ma parole, donnée dans ma propre cause ? En vérité je ne puis le dire, et je n’en ai pas grand souci. Mais je ne doute pas assez de moi-même pour n’être pas convaincu que dans l’opinion des honnêtes gens, où j’aime à croire que je dois le compter, ma parole toute seule même dans ma propre cause, serait plus crue que le serment de deux membres de la nouvelle confrérie, dans une affaire qui ne les concernerait point[1]. »

Le Pacificateur répondit à l’apologie de Morus par un livre où, sous le nom de Salem et de Bysance, deux Anglais réfutaient dans un dialogue les doctrines de l’Apologie. Cet homme faisait dans son livre une exhortation à la conquête de la Terre-Sainte[2], par prudence, sans doute, et afin de masquer, par cette ardeur chrétienne, ses attaques quelque peu hardies contre la législation pénale appliquée aux hérétiques. C’était, j’imagine, un esprit de l’école d’Érasme, partisan d’une réforme modérée et d’une certaine tolérance, prudent comme le maître, mais de cette prudence qui pouvait bien n’être qu’un sage emploi du courage, dans un pays où un doute écrit envoyait un homme à la Tour. Le Pacificateur se cachait sous l’anonyme : On dit : Some Say, ce qui lui valut le sobriquet plus burlesque que piquant que lui donnait Morus de M. Some Say. Du reste, dans sa réfutation de l’Apologie, il ne faisait aucune allusion de doute à la déclaration formelle de Morus sur sa conduite envers les hérétiques, et, ce qui le prouve, c’est que Morus, dans la Défense de l’Apologie, ne revient pas même indirectement sur cette déclaration. On le réfutait sur la question de doctrine ; mais on ne l’eût pas démenti sur des questions de fait.

Dans cette défense, dont le titre réel est un interminable quolibet[3], dont le titre résumé est la Débellation de Salem et de Bysance, Morus persistait à justifier les lois pénales appliquées aux hérétiques, tantôt par des motifs tirés de la grandeur du crime, de

  1. Apologie, ch. xxxvi, p. 902 H.
  2. English Works, 1034 B.
  3. Ibid., 929 BCFG.