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LE SALON.

guère peint que des sujets de religion. En obéissant à son cœur, il travaillait donc pour la foule ; et la foule le comprenait donc, puisqu’elle aimait mieux voir la Vierge peinte par lui que par ses rivaux.

Il n’y a pas de plus grande erreur, dans les arts, que de croire à des sphères trop élevées pour les profanes. Ces sphères appartiennent à l’imagination. Qu’elle s’y recueille quand elle conçoit ; mais, la main à l’ouvrage, il faut que la forme soit accessible à tous. L’exécution d’une œuvre d’art est une lutte contre la réalité ; c’est le chemin par où l’artiste conduit les hommes jusqu’au sanctuaire de la pensée. Plus ce chemin est vaste, simple, ouvert, frayé, plus il est beau ; et tout ce qui est beau est reconnu tel, et à son heure. La nature en cela, comme en tout, doit servir de modèle aux arts ; ses ouvrages les plus parfaits sont les plus clairs et les plus compréhensibles, et nul n’y est profane. C’est pourquoi ils font aimer Dieu.

Dans l’examen que je vais faire, je m’attacherai donc au principe que je pose, et qui me semble, sauf meilleur avis, une base solide, Lorsque j’ai vu la foule, au salon, se porter devant un tableau, je l’y ai suivie, et j’ai écouté là ce qu’en disaient les connaisseurs ; lorsque les artistes s’arrêtaient devant une toile, je m’y suis arrêté avec eux, et j’ai écouté ce qu’en disait la foule. C’est sur cette double épreuve que je fonderai mes jugemens, reconnaissant d’avance, je le répète, que toute espèce de succès prouve, à mon sens, un talent qu’il est impossible de nier.

ii.

Le salon, au premier coup d’œil, offre un aspect si varié, et se compose d’élémens si divers, qu’il est difficile, en commençant, de rien dire sur son ensemble. De quoi est-on d’abord frappé ? Rien d’homogène, point de pensée commune, point d’écoles, point de familles ; aucun lien entre les artistes, ni dans le choix de leurs sujets, ni dans la forme. Chaque peintre se présente isolé, et non seulement chaque peintre, mais parfois même chaque tableau du même peintre. Les toiles exposées au public n’ont, le plus souvent, ni mères ni sœurs. On se croirait à ces temps de décadence où l’é-