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qu’on a accroché contre une fenêtre. Pour faire un portrait sur émail, il faut vingt-cinq séances de deux heures chaque, et pendant que l’artiste travaille, le four, constamment échauffé, est prêt à recevoir le résultat de la séance, et à changer, par l’action chimique, toutes les couleurs, laborieusement choisies. Ainsi le peintre recommence son ouvrage autant de fois qu’il le livre au feu. Mais le résultat est indestructible ; c’est l’émail même qui devient portrait. M. Kanz doit à son père l’héritage d’un vrai talent. Il devra, je n’en doute pas, à sa rare persévérance, de se faire un nom dans l’art de Petitot.

Il n’y a qu’un seul mot à dire de la copie sur porcelaine que M. Jaquotot a faite de la Vierge au voile : c’est aussi beau que Raphaël.

Je remercie M. Etex de n’avoir pas fait dans sa Geneviève de ce raide et faux style gothique, qu’on veut donner pour supportable. La tête de sa statue est belle, le geste simple ; il y a de la grandeur. J’aime à voir sous ce corsage plat que c’est un être vivant qui le porte. Il était difficile de rester ainsi sur la lisière du gothique.

La statue de Bailly et celle de Mirabeau, par M. Jaley, ne manquent certainement pas de mérite. Je suis fâché qu’elles portent des habits, car il m’est impossible de comprendre le vêtement moderne en sculpture. Le Paria du même sculpteur a de la pensée.

Le lion en bronze de M. Barye est effrayant comme la nature. Quelle vigueur et quelle vérité ! Ce lion rugit, ce serpent siffle. Quelle rage dans ce mufle grincé, dans ce regard oblique, dans ce dos qui se hérisse ! Quelle puissance dans cette patte posée sur la proie ! et quelle soif de combat dans ce monstre tortueux, dans cette gueule affamée et béante ! Où M. Barye a-t-il donc trouvé à faire poser de pareils modèles ? Est-ce que son atelier est un désert de l’Afrique ou une forêt de l’Hindoustan ?

L’Anacréon de M. Lequien, la Baigneuse de M. Espercieux, ont de la grace ; mais ce sont des pastiches de l’antique. Il y a un sentiment naïf dans la Jeune fille de M. Lescorné ; les pieds nus qui sortent de la robe ne produisent pas un bon effet. J’aime la Renaissance de M. Feuchère, quoique ce soit encore un pastiche ; mais le sujet voulait que c’en fût un. L’Esclave de M. Debay plaît beaucoup au public, et le public se trompe bien plus rarement en sculpture qu’en peinture ; la forme le frappe. C’est une enfant de quinze ans