de Cochinchine. C’est de là qu’elle paraît avoir passé dans l’Indostan, puis, beaucoup plus tard, en Arabie, et enfin dans les parties de l’Asie et de l’Afrique qui bordent la Méditerranée, en Éthiopie, en Nubie, etc.
Avant ces transmigrations de la plante elle-même, qui ont donné les moyens de fabriquer le sucre plus près du consommateur, l’usage s’en introduisait avec lenteur chez les Occidentaux. Il fallait que cet article passât, de mains en mains, de la Chine dans les ports de l’Inde, de là dans le golfe Persique ou dans la mer Rouge, et qu’il achevât par la voie des caravanes, jusqu’au littoral de la Méditerranée, la route qu’il avait à parcourir. Les traficans de ces temps éloignés avaient à se charger d’articles plus précieux, et dont l’encombrement était moins grand ; il n’est donc pas étonnant que le sucre soit resté une chose rare et presque de curiosité. Ce sont vraisemblablement les conquêtes des Arabes ou Sarrasins qui ont développé en Europe le besoin de cette consommation.
Dans le cours du ixe siècle, les Sarrasins, devenus maîtres des îles de Rhodes, de Chypre, de Crète et de la Sicile, y introduisirent la canne à sucre, dont la culture et la préparation leur étaient familières. Déjà les royaumes de Valence, de Grenade et de Murcie, en Espagne, en avaient dû la naturalisation à la conquête qui venait d’en être faite. Les plantations s’y sont conservées au point qu’en 1664 elles avaient encore de l’importance, et qu’à présent quelques-unes subsistent encore.
Vers le xiie siècle, les commerçans vénitiens trouvaient à s’approvisionner de sucre à meilleur marché en Sicile qu’en Égypte, et le voyageur Marco Polo, en remarquant que la culture en existait au Bengale, ne donne pas à penser que l’Europe eût besoin de recourir à ce pays lointain.
Les croisades, en mettant les peuples de l’Occident en rapport avec les Orientaux, puis l’activité de la navigation des Vénitiens et des autres nations italiennes, étendirent le goût et le besoin du sucre dans toute l’Europe occidentale. Au commencement du xve siècle, les Espagnols et les Portugais portèrent des plants de canne aux îles Canaries et à Madère. On suppose même que c’est de ce dernier endroit que la canne a passé, dans le Nouveau-Monde, bien que quelques historiens prétendent qu’elle croissait déjà naturellement dans divers lieux d’Amérique.
Le sucre était de qualité différente, suivant les pays de culture et l’habileté des producteurs. Celui de Madère paraît avoir joui d’une certaine supériorité ; celui de l’Arabie et de l’Égypte était au contraire resté fort défectueux. Vers la fin du xve siècle, les Vénitiens inventèrent le procédé du raffinage, art qui a été porté, de notre temps, à une si grande perfection.