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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/258

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REVUE DES DEUX MONDES.

Atlas historique des états européens, traduit de l’allemand de C. et F. Kruse, par Philippe Lebas, maître de conférences à l’École Normale, et Félix Ansart, professeur d’histoire au collége de Saint-Louis[1].

Le développement qu’ont pris les études historiques en France rendait nécessaire ce bel ouvrage, dont la pensée et l’exécution première appartiennent à deux savans professeurs allemands, dont le perfectionnement, et si l’on peut parler ainsi, l’appropriation aux intelligences et aux études françaises, est l’œuvre de deux habiles professeurs de notre université. L’Atlas historique des états européens est un de ces livres dont le besoin a été long-temps, quoique vaguement, signalé par tous les esprits dont les études étaient dirigées vers les matières dont il traite, et qui naissent, non pas d’une fantaisie plus ou moins grave d’un écrivain, mais d’une sorte de consentement universel. Tous les hommes occupés d’histoire, et le nombre en est immense, demandaient ce livre. Privés du secours si puissant des synchronismes, ou ne pouvant l’avoir qu’au prix de recherches très longues, et d’un temps qu’ils auraient pu employer plus utilement à en tirer les conséquences, ils appelaient de leurs vœux un vaste tableau où l’on vit, du même coup d’œil, naître, se mouvoir, grandir et décroître tous les états européens. Ce vaste tableau, c’est l’Atlas historique dont nous parlons. Tous les états de l’Europe, tous les peuples y figurent, même ceux que les histoires spéciales ont laissés dans l’ombre, et dont il est indispensable de tenir compte, selon la judicieuse remarque des traducteurs, la plupart ayant eu plus d’influence qu’on ne pense sur l’histoire même des peuples les plus puissans.

L’Allemagne possédait depuis quelques années le beau travail de MM. C. et F. Kruse. Mais leur Atlas n’y avait pas toute la popularité dont il est digne. Cela tient à la disposition même des esprits studieux en Allemagne. C’est presque les désobliger que de vouloir abréger ou éclaircir leur tâche. On n’y a aucun goût pour la science simplifiée et rendue sommaire. On la préfère avec toutes ses difficultés et toutes ses complications, et le plaisir même d’acquérir est en proportion de la peine. D’ailleurs, on n’y sent pas le besoin d’appliquer la science en la popularisant, et on la tient dans une sorte de sphère accessible seulement aux hommes spéciaux, aux mandarins, ce qui donne en Allemagne le spectacle singulier d’un pays où sont les premiers savans du monde et où la science est le plus stérile. Il en est tout autrement en France, et MM. Lebas et Ansart ont fait preuve de sagacité en pensant qu’un livre élémentaire, où la science est mise à la portée du plus grand nombre d’intelligences possible, et provoque, pour ainsi dire, ses applications immédiates, était un livre fait pour la France. C’est qu’à la différence des Allemands, nous aimons les besognes abrégées et sommaires. La science nous

  1. Un volume in-folio contenant 39 tableaux synchroniques, 17 tableaux généalogiques, et 18 cartes géographiques. Prix : 48 francs, chez les auteurs, rue de la Harpe, 102.