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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

solides de cet esprit ferme et sérieux. Il assurait à l’évêque que son plus grand désir était de lui complaire et de suivre en tout ses avis. Il promettait de se garder de tout excès de pouvoir et de prendre pour règles de conduite la justice et la raison. Enfin, pour rendre ses promesses et ses protestations plus dignes de foi, il les accompagnait de nombreux sermens par le tombeau de saint Martin. Souvent il jurait à Grégoire, comme un client à son patron, de lui demeurer fidèle en toute circonstance, de ne jamais lui manquer en rien, soit dans les affaires qui l’intéresseraient personnellement, soit dans celles où il s’agirait des intérêts de l’église[1]. Les choses en étaient là, et la ville de Tours jouissait d’un calme que personne n’eût espéré d’abord, lorsque l’armée de Theodebert fut détruite près d’Angoulême, et que Hilperik, croyant sa cause désespérée, se réfugia dans les murs de Tournai, évènemens racontés en détail dans un des précédens récits[2]. Les citoyens de Tours, qui n’obéissaient que par force au roi de Neustrie, reconnurent l’autorité de Sighebert, et Leudaste prit de nouveau la fuite, comme il avait fait sept ans auparavant ; mais grace peut-être à l’intervention de l’évêque Grégoire, ses biens furent respectés cette fois, et il sortit de la ville sans essuyer aucun dommage. Il se retira en Basse-Bretagne, pays qui jouissait alors d’une complète indépendance à l’égard des royaumes franks, et qui souvent servait d’asile aux proscrits et aux mécontens de ces royaumes[3].

Le meurtre qui, en l’année 575, mit fin d’une manière si subite à la vie de Sighebert, amena une double restauration, celle de Hilperik comme roi de Neustrie, et celle de Leudaste comme comte de Tours. Il revint après un an d’exil, et se réinstalla de lui-même dans son office[4]. Désormais sûr de l’avenir, il ne prit plus

  1. Multùm se nobis humilem subditumque reddebat, jurans sæpiùs super sepulcrum sancti Antistitis, numquam se contrà rationis ordinem esse venturum, seque mihi, tàm in causis propriis, quam in ecclesiæ necessitatibus, in omnibus esse fidelem. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 261.)
  2. Voyez la seconde de ces Lettres, 15 décembre 1833
  3. Sed dum Sigibertus duos annos Turonis tenuit, hic in Britaniis latuit. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 261.)
  4. Quo defuncto, succedente iterùm Chilperico in regnum, iste in comitatum accedit. (Ibid.)