de toutes parts : « Un clerc de rang inférieur ne peut être cru en justice contre un évêque[1]. » La preuve testimoniale ainsi écartée, il ne restait plus qu’à s’en tenir à la parole et au serment de l’accusé. Le roi, fidèle à sa promesse, n’objecta rien pour le fond, mais il chicana sur la forme. Soit par un caprice d’imagination, soit que de vagues souvenirs de quelque vieille superstition germanique lui revinssent à l’esprit sous des formes chrétiennes, il voulut que la justification de l’évêque Grégoire fût accompagnée d’actes étranges et capables de la faire ressembler à une sorte d’épreuve magique. Il exigea que l’évêque dit la messe trois fois de suite à trois autels différens, et qu’à l’issue de chaque messe, debout sur les degrés de l’autel, il jurât qu’il n’avait point tenu les propos qu’on lui attribuait[2]. La célébration de la messe jointe à un serment, dans la vue de le rendre plus redoutable, avait déjà quelque chose de peu conforme aux idées et aux pratiques orthodoxes ; mais l’accumulation de plusieurs sermens pour un seul et même fait était formellement contraire aux canons de l’église. Les membres du synode le reconnurent, et ils n’en furent pas moins d’avis de faire cette concession aux bizarres fantaisies du roi. Grégoire lui-même consentit à enfreindre la règle qu’il avait tant de fois proclamée. Peut-être, comme accusé personnellement, se faisait-il un point d’honneur de ne reculer devant aucun genre d’épreuves ; peut-être aussi, dans cette maison où tout avait la physionomie germanique, où l’aspect des hommes était barbare, et les mœurs encore à demi païennes, ne retrouvait-il plus la même énergie, la même liberté de conscience, que dans l’enceinte des villes gauloises ou sous le toit des basiliques[3].
Pendant que ces choses se passaient, Fredegonde, retirée à l’écart, attendait la décision des juges, affectant de paraître calme jusqu’à l’impassibilité, et méditant au fond de son cœur de cruelles représailles contre les condamnés, quels qu’ils fussent. Sa fille Rigonthe,
- ↑ Tunc cunctis dicentibus : Non potest persona inferior super sacerdotem credi… (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 263.)
- ↑ Restitit ad hoc causa, ut dictis missis in tribus altaribus, me de his verbis exuerem sacramento. (Ibid.)
- ↑ Et licet canonibus essent contraria, pro causâ tamen regis impleta sunt. (Ibid.)