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LES NUITS FLORENTINES.

avoir inutilement cherché pendant trois jours la petite société dans toutes les rues de Londres, je compris enfin qu’elle avait quitté la ville ; l’ennui me saisit de nouveau dans ses bras de plomb et me serra encore une fois le cœur. Il me fut impossible de le supporter plus long-temps. Je dis adieu au Mob, aux Blackguards, aux gentlemen et aux fashionables d’Angleterre, les quatre états de l’empire britannique, et repartis pour le continent civilisé, où je m’agenouillai en adoration devant le tablier blanc du premier cuisinier que je rencontrai. Là, je pus dîner encore une fois comme une créature raisonnable, et réjouir mon ame devant la bonhomie de figures désintéressées. Mais je ne pus oublier entièrement Mlle Laurence, elle dansa long-temps dans ma mémoire, et, dans mes heures solitaires, je réfléchis souvent à la pantomime énigmatique de la belle enfant, surtout à son geste quand elle prêtait l’oreille comme pour écouter un bruit souterrain. Il se passa aussi quelque temps avant que les bizarres mélodies de triangle et de grosse caisse expirassent dans mon souvenir.

— Et c’est là toute l’histoire ? s’écria Maria en se relevant avec impatience.

Mais Maximilien la supplia de se recoucher, en ajoutant le geste significatif de l’index sur la bouche, et lui dit : — Doucement, doucement. Demeurez tranquille, et je vous raconterai la fin de l’histoire. Je vous demande seulement, au nom du ciel, de ne pas m’interrompre.

Puis, s’enfonçant encore plus commodément dans son fauteuil, Maximilien continua son récit de la manière suivante :

Cinq ans après cet évènement, je vins à Paris pour la première fois, et à une époque remarquable. Les Français venaient d’accomplir leur révolution de juillet, et l’univers applaudissait. Ce drame n’était pas aussi effrayant que les précédentes tragédies de la république et de l’empire. Il n’était resté sur le champ de bataille que quelques milliers de cadavres ; aussi les révolutionnaires romantiques ne furent-ils pas fort contens, et ils annoncèrent une nouvelle pièce où coulerait plus de sang, où le bourreau aurait plus à faire.

Paris me réjouit fort par la gaieté qui s’y fait jour à propos de tout, et exerce son influence même sur les esprits les plus assombris. Chose étrange ! Paris est le théâtre où l’on exécute les plus grandes tragédies de l’histoire universelle, tragédies dont le sou-