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intérêt ces feuilles nombreuses réunies par la piété domestique, il nous est venu le désir qu’un volume encore d’extraits, un volume plus littéraire que les Conseils de Morale, et conservant sans façon le cachet primitif, pût s’y ajouter et mettre en lumière, ou du moins sauver d’un entier oubli tant de jugemens une fois portés avec rectitude et finesse, plus d’un trait précis qu’on devra moins bien redire en parlant des mêmes choses, et plus d’un qu’on ne redira pas.

Les premiers articles que Mlle de Meulan donna au Publiciste furent recueillis et réimprimés vers 1802 en un petit volume in-12 qui n’a pas été mis en vente. Ils trouvèrent place aussi dans un volume des Mélanges que publia vers ce temps M. Suard. C’est à cette occasion que Mme de Staël, toujours empressée et en frais de bon cœur pour le mérite naissant, écrivait à cet académicien : « J’ai lu avec un plaisir infini plusieurs morceaux de vos Mélanges, et je n’ai pas besoin de vous dire à quelle distance je trouvais ceux signés P. de tous les autres. Mais dites-moi, je vous prie, si c’est Mlle de Meulan qui a écrit le morceau sur Vauvenargues et celui sur le Thibet, les Anglais, etc. C’est tellement supérieur, même à beaucoup d’esprit, dans une femme, que j’ai cru vous y reconnaître. » Ce dut être d’après la réponse qu’elle reçut de M. Suard, que Mme de Staël écrivit à Mlle de Meulan pour lui offrir les sentimens d’une amie et la prier de vouloir bien user d’elle comme d’un banquier qui lui demandait la préférence. Mlle de Meulan accepta de ces avances tout le parfum bienveillant qui s’en exhalait. Dans ces premiers articles d’elle, il avait été question de Mme de Staël. À propos d’une phrase de l’auteur de Malvina, de Mme Cottin, qui semblait dénier à son sexe la faculté d’écrire aucun ouvrage philosophique, le critique rappelait l’ouvrage récent de Mme de Staël sur la Littérature, et en prenait occasion d’y louer plus d’un passage, de relever plus d’un censeur, et de toucher à son tour quelques points avec une réserve sentie. Mme de Staël, qui y recevait d’ingénieux conseils tels que celui, par exemple, d’être plus sensible au concert qu’au bruit des louanges, n’en eut pas moins, comme nous voyons, une reconnaissance qui honore son cœur, de même que ces conseils honoraient la raison digne et fine de Mlle de Meulan.

Atala était appréciée dans un article par ce critique si intelligent et si mûr au début, avec une admiration tempérée de très judicieuses remarques. Et tout à côté de cet hommage rendu