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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/651

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LA BELGIQUE.

combattre qu’à traiter, à désirer la victoire qu’à se contenter de la liberté. Au contraire, lorsqu’une situation est solidement prise et que le parti dominant n’en peut plus être délogé, il répand la liberté dont il ne redoute plus l’usage, et qui, après tout, le sert plus spécialement lui-même. Ce qui rendit la liberté impossible en France en 89, c’est que le parti qui la voulait selon certaines conditions et dans certaines limites, était trop faible pour résister à celui qui n’en voulait pas et à ceux qui la comprenaient autrement que lui. Aujourd’hui la suprématie, chaque jour plus manifeste, de la classe et des intérêts bourgeois prépare un avenir dont la classe moyenne peut n’avoir pas le goût, mais où elle sera comme entraînée par sa force même. Le parti catholique est chez nos voisins ce qu’est le juste-milieu chez nous ; seulement comme il est encore plus fort, il n’a eu à faire ni état de siége, ni lois de septembre.

Hâtons-nous du reste de le dire : ce n’est pas d’après les idées parisiennes que l’état de la Belgique doit être apprécié. En France, la Bretagne seule pourrait faire comprendre ce pays ; mais en France, qui comprend la Bretagne ? Si la Belgique avait une nationalité forte et robuste, et que son avenir de peuple fût assuré, on pourrait conseiller à ses hommes d’état de modifier ce qu’il y a d’étrange et d’anormal dans ces influences dont l’imprudente action peut susciter des dangers aux intérêts sacrés qu’ils défendent : on pourrait alors songer à perfectionner les détails de l’administration, à la rendre plus active et plus simple. Mais la Belgique doit avoir de tout autres soucis ; il faut constituer sa nationalité, cultiver avec soin cette plante encore débile. Gardez-vous d’élaguer ses branches pendantes à l’aventure, laissez sa sève s’éparpiller en boutons et s’étendre en rameaux épais. Le moment de faire filer la tige n’est pas venu ; il faut que l’arbre prenne du corps ; ce serait plus qu’une imprudence de l’attaquer dans sa maîtresse racine, dans la seule qui la fasse vivre.

Si nous passons aux formes constitutives du gouvernement, on verra qu’elles ont été combinées sous des influences analogues, et que c’est à un tout autre point de vue qu’à celui où l’on se place d’ordinaire chez nous, qu’il convient de s’établir pour les apprécier.

La monarchie fut décrétée par le congrès belge à une majorité de cent soixante-quatorze voix contre treize, qui votèrent pour la république. Mais qu’on ne s’y trompe pas : quoique la presque unanimité de ce corps se prononçât pour l’érection d’un trône constitutionnel, un très grand nombre de ses membres, d’entre ceux appartenant au parti catholique surtout, firent, dans cette circonstance, un véritable sacrifice aux terreurs que le mot de république éveillait dans tous les esprits. S’ils n’avaient consulté que l’entraînement de leurs idées théoriques et de leurs antipa-