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REVUE. — CHRONIQUE.

blement précieuses : d’abord, elles ont nettement établi ce qui constitue un utrà-doctrinaire ; quel il est quand il paraît à nu et que le dépit ou la passion l’ont jeté hors des gonds ; de quelle sorte de sentiment national il est susceptible ; en outre, elles ont mis au jour et bien constaté l’exacte situation du parti.

On avait remarqué déjà que M. Duchâtel, M. Rémusat, se tenaient notablement à l’écart. N’était-ce pas raison ? Hommes d’esprit, hommes d’affaires, hommes mesurés, vouliez-vous qu’ils se missent au pas des ridicules colères de M. Jaubert ? Leur convenait-il de se soumettre davantage à l’austère et capricieuse domination de M. Guizot ? Mais cette domination, M. le duc de Broglie lui-même s’en était récemment lassé. Aussi, depuis qu’il avait secoué le joug, dans le langage mystique des adeptes avait-il été déclaré déchu et frappé de prétérition.

Ainsi s’opère graduellement, et toutefois beaucoup plus promptement qu’on n’aurait d’abord osé l’espérer, l’isolement profond et inévitable du parti doctrinaire. Il a été exclu du pouvoir, exclu des bureaux de la chambre ; enfin, subissant peu à peu les conséquences de son système d’impopularité, il tend à se fractionner de plus en plus, et à se concentrer dans quelques individus. Chaque jour il éprouve une nouvelle défection ; hier M. de Broglie, aujourd’hui M. Duchâtel. M. Guizot recommande à ses amis d’agir avec prudence ; mais la prudence n’est point le fait de M. Jaubert ni de M. de Hauranne ; aussi ses conseils de prudence ont-ils été fort mal reçus. La scission est dans le camp : M. Duvergier de Hauranne ne communiquera plus ses discours à M. Guizot ; et M. Jaubert, haut et puissant seigneur, retournera dans sa comté, se faire adorer de ses vassaux ; adorer est le mot, car M. Jaubert se montre aussi empressé à seconder, dans son département, les entreprises utiles que peu éclairé, comme député, sur les véritables sentimens du pays.


Les déplacemens et les promenades de rois et de princes ont continué durant cette quinzaine.

Le roi de Saxe est allé visiter ce pays inconnu d’où ne revient, dit Shakspeare, aucun voyageur.

Le roi de Naples ne vient pas en France, comme on l’a dit ; il va en Allemagne. Ce sensible et romanesque souverain, que la mort de sa première femme désespère toujours, ne cherche plus à se consoler que par une seconde ; mais il a maintenant la fantaisie de vouloir être aimé pour lui-même ; voilà pourquoi il voyage, cachant bien sa couronne et ne montrant que son mérite. Néanmoins, bien qu’il ne refuse le cœur d’aucune beauté, il préférerait une archiduchesse à une bergère. Sa suprême