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LA PRESSE FRANÇAISE.

La critique littéraire ne fait plus de livres, et laisse effeuiller ses œuvres par les journaux. La philologie classique n’a plus à déchiffrer des manuscrits, à comparer des variantes. Les bons textes sont plus communs aujourd’hui que ceux qui les recherchent. C’est en multipliant les traductions qu’on tente de restaurer les études grecques et latines. Sans doute, la résurrection des anciens ferait éclat, si chacun reparaissait avec son tour d’esprit, et le travail particulier de son élocution. Ainsi conçue, la tâche est rude. Elle a effrayé Courier, le plus industrieux des écrivains de ce siècle. Mais au lieu d’un traducteur ne trouvât-on qu’un interprète, il serait fort utile à nous autres, écoliers ingrats, qui visitons si rarement nos premiers maîtres !

Parmi les auteurs grecs nouvellement traduits, on remarque le Diodore de Sicile, par M. Miot. Les latins, au nombre de 22, dépendent presque tous de la vaste entreprise de M. Panckoucke. Les juges compétens citent, comme modèle, le Plaute de M. Naudet. — On a mis au jour 29 fabliaux ou pièces dramatiques qui remontent à l’origine de notre littérature. Malheureusement, il est presque impossible de se les procurer. Les bibliophiles qui les possèdent en manuscrit, ne les font imprimer que pour les échanger entre eux. Qui sait si cette manie jalouse ne laisse pas dans l’oubli quelque rival de notre Pierre Blanchet, le père trop peu connu de l’Avocat Patelin ? — Les écrivains français dont les œuvres sont devenues un fonds exploité en commun par la librairie, ont donné lieu à 74 réimpressions. On a publié concurremment 3 Rollin, 3 Molière, 4 Buffon, 5 Voltaire : ce dernier vient d’atteindre sa cinquante-quatrième édition ! Que de trésors créés par le génie ! que de travailleurs appelés à les partager ! Si les économistes en pouvaient établir le calcul, ils seraient émerveillés du résultat. — Parmi les auteurs vivans adoptés par le public, six réunissent présentement la collection de leurs œuvres. — Les emprunts faits aux langues étrangères, européennes ou orientales, produisent 25 ouvrages. Presque tous étaient déjà connus par d’anciennes traductions.


Apparaissent enfin les plus turbulentes cohortes de l’armée des auteurs : les romanciers, les dramatistes, les poètes ! Attendons un de ces rares instans où le cortège cesse de parader devant la foule. Laissons passer les fanfares, les porte-bannières, et les crieurs à gage, Tant de fracas nous troublerait sans doute, et nous ne pourrions plus répondre de la précision de nos calculs.


ii. Romans. — 210 publications ont alimenté la clientelle des cabinets de lecture. Elles ont donné 8,358 feuilles-types. Le chiffre moyen du tirage est inférieur à 1000. Il faut remarquer que si les auteurs en renom sont très répandus, les débutans, qui font souvent la guerre à leurs frais, ne risquent jamais plus de 5 à 600 exemplaires, et qu’ainsi la balance se