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la croyance générale de tous les temps, avait de quoi séduire un esprit hardi. Plus elle était neuve, plus elle bouleversait les idées universellement admises, plus on devait espérer de gloire à la soutenir. M. Champollion entreprit de le faire en opposition avec tous les témoignages historiques. En effet, les écrivains de l’antiquité s’accordent à nous dire que l’écriture hiéroglyphique différait essentiellement de notre méthode alphabétique ; il est vrai que tout en nous apprenant ce qu’elle n’était pas, ils sont loin d’expliquer aussi clairement ce qu’elle était.

Diodore de Sicile, au livre iii de sa Bibliothèque historique, parle des caractères hiéroglyphiques employés par les Égyptiens. Après avoir dit que ces caractères offrent à nos yeux des animaux de tout genre, des parties du corps humain, des ustensiles, des instrumens, principalement ceux dont font usage les artisans, il expose dans les termes suivans les motifs qui leur ont fait donner ces formes : « Ce n’est point, en effet, par l’assemblage des syllabes que chez eux l’écriture exprime le discours, mais c’est au moyen de la figure des objets retracés, et par une interprétation métaphorique basée sur l’exercice de la mémoire. » Plus bas, après avoir donné divers exemples de cette manière d’employer les hiéroglyphes, il ajoute : « C’est en s’attachant aux formes des divers caractères qu’ils arrivent, au moyen d’un exercice prolongé de la mémoire, à reconnaître par habitude le sens de tout ce qui est écrit. » Ce qu’il y a de fort clair dans ces paroles, c’est que l’écriture hiéroglyphique ne formait point des syllabes, c’est-à-dire qu’elle ne se rattachait point, comme notre écriture, aux idées par l’intermédiaire des sons, mais bien par la forme, par la figure de ses caractères. Ce qui est beaucoup moins clair, c’est la manière dont ces figures exprimaient les idées. On reconnaît cependant, par les détails dans lesquels est entré l’historien, qu’une figure, outre l’objet représenté directement, pouvait représenter métaphoriquement ou d’une manière détournée un grand nombre d’autres idées ; ce qui est conforme, du reste, aux notions que nous fournit le dictionnaire symbolique d’Horns-Apollon.

Au témoignage de Diodore, l’historien grec, j’ajouterai celui d’Ammien Marcellin, l’historien latin. Cet écrivain s’exprime de la manière suivante au sujet de l’écriture hiéroglyphique : « Les anciens Égyptiens n’avaient point, comme aujourd’hui, un nombre de lettres déterminé et d’un emploi facile pour exprimer tout ce que peut concevoir l’esprit humain, mais chaque lettre représentait un mot et quelquefois même une phrase entière. » Cela est assez positif ; Ammien compare les anciens procédés des Égyptiens à ceux qu’ils employaient de son temps, c’est-à-dire à l’écriture alphabétique.

Saint Clément d’Alexandrie, parlant dans ses Mélanges des voiles