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nous le concevons, il est l’auteur de la méthode nouvelle. Mais nous qui examinons, libres des préoccupations par lesquelles il se trouvait dominé, tous ces rapprochemens, quelque ingénieux qu’ils soient, ne sauraient nous faire illusion, et nous rejetons un système qui ne s’appuie que sur des subtilités étymologiques.

La confiance de M. Champollion dans la sûreté de sa théorie l’a entraîné graduellement si loin de la langue copte, que, quand, pour l’interprétation des passages purement symboliques, il est obligé de faire à cette langue quelques emprunts, il en néglige constamment les règles les plus simples. Parcourez sa grammaire, vous y trouverez sans cesse l’article pluriel indéterminé associé aux noms de nombres, combinaison que la syntaxe copte n’admet pas plus que la nôtre. Vous rencontrerez à chaque page, sous un symbole qui paraît exprimer l’idée de totalité, le mot nib (préféré, je ne sais pourquoi, au mot nim, du dialecte thébaïque, et au mot niben, du dialecte memphitique) ; vous trouverez, dis-je, ce mot accolé à un substantif que précède un article simple ou un article possessif ; vous le trouverez également employé d’une manière absolue, comme dans cette phrase : gouverner tout. Or, de ces deux emplois la langue copte ne permet pas plus l’un que l’autre. Les mots jo, tête, rat, pied, ro, bouche, ne se montrent dans la grammaire de M. Champollion qu’avec les articles simples ou possessifs ; petro, ta bouche, netrat, tes pieds, ensenjo, leurs têtes, tandis que dans les livres coptes les mêmes mots n’admettent pas autre chose que des terminaisons, comme rof, sa bouche, jos, sa tête, ratou, leurs pieds. Ajoutons que les articles possessifs pet, net, ensen, sont complètement étrangers à la langue copte. Le mot chet, qui, dans les livres coptes, ne se rencontre que précédé de l’article singulier masculin, et qui, n’admettant jamais de complément, signifie l’autre d’une manière absolue, se montre constamment, dans la Grammaire égyptienne, au nombre pluriel et suivi d’un ou plusieurs complémens. M. Champollion emploie comme verbe le mot mai, qui ne peut entrer que dans les adjectifs composés du genre de mainout, aimant Dieu, et il écrit maif, qui aime lui, quand il faudrait écrire etmai emmof. Nous pouvons indiquer encore certains mots qu’il compose, tels que celui-ci : ne rem oliro, les portiers ; ce mot, s’il était possible, signifierait ceux qui emportent ou qui enlèvent la porte, et non point ceux qui l’ouvrent ; mais rem ne se compose jamais avec un verbe actif, c’est ref que l’on emploierait dans le cas présent, et l’on dirait : ne refouenro. Ces négligences, et bien d’autres encore, qu’il serait trop long de citer, montrent à quel point M. Champollion avait perdu de vue les règles de la langue copte ; elles suffiraient, quand même l’art des rapprochemens étymologiques dont il a fait usage serait moins trompeur, elles suffiraient pour faire douter de