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DE L’ESPAGNE ET DE SON HISTOIRE.

dynastie nouvelle, l’animât et la fit sortir de l’immobilité péninsulaire où elle était retombée… Les dynasties, et les lois de succession qui président à leur maintien ou à leur remplacement, sont d’ordinaire appropriées aux besoins des divers pays. La loi espagnole différait de la loi française, comme l’intérêt de l’Espagne différait de l’intérêt de la France ; elle appelait à la couronne les femmes qui la portaient dans d’autres maisons en se mariant. Ces mariages amenèrent la réunion des diverses parties de la Péninsule, et lui procurèrent l’aide du continent par l’avènement de princes étrangers qui lui apportèrent d’abord les forces de l’Europe pour la faire triompher dans ses luttes de religion et de race, et plus tard ses idées pour la faire sortir de l’immobilité péninsulaire où elle devait retomber… La France, au contraire, en admettant les femmes à la couronne, eût renoncé à sa nationalité ; elle pouvait entretenir son mouvement par les chocs non interrompus du reste de l’Europe et opérer sa formation par sa force intérieure. Aussi se réserva-t-elle des moyens particuliers de perpétuer sa dynastie. Elle plaça des rejetons royaux dans plusieurs provinces à mesure qu’elle les conquit, afin que les branches pussent, au besoin, remplacer le tronc. La loi des apanages fut la conséquence de la loi salique. Le pays le plus remarquable par son unité le fut aussi par la durée de sa dynastie. »

Le savant historien paraît avoir étudié les annales de l’Espagne sous la préoccupation de cette idée que l’isolement géographique de ce pays était pour lui le principe d’une infériorité constante qui devait être corrigée par l’effet de ses institutions. Mais cette position péninsulaire n’était-elle pas, au contraire, l’un des plus grands bienfaits dont la Providence pût doter un pays si heureusement assis sur deux mers, et les malheurs de l’Espagne ne tiendraient-ils pas à ce qu’il lui fut presque toujours interdit d’en recueillir le bénéfice ?

Il est difficile, ce semble, de concilier la valeur théorique que l’on attribue à la succession féminine et le blâme si judicieusement déversé sur cette perpétuelle exploitation de l’Espagne au profit d’intérêts étrangers. Si la succession des femmes hâta l’union des divers royaumes de la Péninsule, elle eut aussi pour résultat de prévenir toute assimilation entre ses élémens constitutifs, toute agglomération vers un centre principal. En France, la conquête territo-