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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/306

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REVUE DES DEUX MONDES.

« Quarante-huit heures après notre seconde publication, le parti des travailleurs sera constitué : l’avenir est à nous. »

Ces mots dits, il porta la main à sa tête, et mourut.

Ainsi, pour résumer Saint-Simon, il faut le voir sous trois aspects saillans et bien distincts : comme expérimentateur, comme publiciste, comme réformateur religieux.

Comme expérimentateur, il partit de ce fait, que le seul moyen de pousser la philosophie dans des voies progressives était de se livrer à des expériences successives et personnelles. Cherchant, combinant des actions étranges et inouies, ou de nouvelles séries d’actions, il s’abandonna sciemment à beaucoup d’épreuves folles ; il fut extravagant selon le monde, bizarre, immoral, mal famé ; choses qui lui importaient peu, car il rêvait une moralité nouvelle. Voici comment il définit lui-même cette phase expérimentale :

« 1o Mener, pendant tout le cours de la vigueur de l’âge, la vie la plus originale et la plus active possible.
« 2o Prendre connaissance, avec soin, de toutes les théories et de toutes les pratiques.
« 3o Parcourir toutes les classes de la société, se placer personnellement dans les positions sociales les plus différentes, et même créer des relations qui n’aient point existé.
« 4o Enfin, employer sa vieillesse à résumer les observations sur les effets de ses actions pour les autres et pour soi, et à établir des principes sur ces résumés. »

Dans la seconde phase de sa vie, Saint-Simon résuma, comme publiciste, les impressions qu’il avait acquises dans sa vie expérimentale ; il chercha à les rendre profitables et pratiques pour le monde industriel, scientifique et politique ; il essaya, par lambeaux, son système de doctrine et d’application générales, dont la synthèse ne devait se trouver que plus tard dans le Nouveau Christianisme, attique de son monument.

Enfin, comme révélateur religieux, il couronna ses travaux antérieurs, travaux incomplets et préparatoires, par la théorie d’une socialisation chrétienne ; il donna la formule qui résumait, suivant lui, le seul principe révélé du christianisme, le seul article de foi qui fût d’inspiration divine : « La religion doit diriger la société vers le grand but de l’amélioration la plus rapide possible du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ; »