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SOCIALISTES MODERNES.
tion finie de l’être infini, est, comme lui, dans son unité active, amour ; et dans les modes, dans les aspects de sa manifestation, esprit et matière, intelligence et force, sagesse et beauté. »

Plus tard M. Enfantin, pour aider les mémoires paresseuses, abrégea cette longue et nuageuse définition. Voici la sienne ;

« Dieu est tout ce qui est ; tout est en lui, tout est par lui.
« Nul de nous n’est hors de lui, mais aucun de nous n’est en lui.
« Chacun de nous vit de sa vie, et tous nous communions en lui, car il est tout ce qui est. »

Après le Dieu, le Messie.

Saint-Simon était ce Messie. Il ne relevait que de sa mission divine. Comme Jésus, il avait été envoyé pour annoncer au monde une doctrine bien plus complète, bien plus sympathique que le christianisme. Écoutez :

« Le monde attendait un sauveur… Saint-Simon a paru.
« Moïse, Orphée, Numa, ont organisé les travaux matériels.
« Jésus-Christ a organisé les travaux spirituels.
« Saint-Simon a organisé les travaux religieux.
« Donc Saint-Simon a résumé Moïse et Jésus-Christ.
« Moïse serait dans l’avenir le chef du culte, Jésus-Christ le chef du dogme ; Saint-Simon serait le chef de la religion, le pape. »

Pour éclaircir tant soit peu ce mythe, cette fusion du travail matériel et du travail spirituel, absorbés l’un et l’autre dans le travail religieux, il faut avoir la clé de ce que l’on a nommé, dans l’école, le dualisme catholique, le combat de l’esprit contre la chair, de l’intelligence contre la matière. Au lieu d’adopter cette division consacrée jusqu’alors, le saint-simonisme s’annonça comme devant l’annuler, l’heure étant venue. Ces deux principes, élémens d’une lutte éternelle, au lieu de se combattre allaient désormais se combiner, recevoir une impulsion unitaire, se sanctifier l’un et l’autre, et l’un par l’autre. Avant notre époque, cette cause de conflit, introduite dans les diverses religions régnantes, les avait rendues, disait l’école, vicieuses et incomplètes. Le principe du bien et du mal proclamé par la Genèse, les dieux bons ou mauvais du paganisme grec et du fétichisme hindou, avaient amené ce dualisme interminable, cet antagonisme dogmatique qui se résumait pour l’humanité en révolte des sens contre la raison, révolte funeste, qui tenait l’âme et le corps dans un état d’irritation et d’hos-