Voilà donc le prêtre, non-seulement chef spirituel et temporel, mais législateur et juge. Il sera plus encore. Il sera le manutenteur et le distributeur de la fortune sociale : il la recevra par voie d’héritage, pour la rendre à chacun et à tous en instrumens de travail. Ainsi tout sera concentré dans les mêmes mains ; action impulsive, action coërcitive ; tout marchera dans une pensée et vers un but uniques. Il y aura des millions de bras, il n’y aura qu’une tête. Un homme résumera l’humanité. Toute lumière viendra converger en cet homme pour rayonner ensuite, hors de lui, plus vive, plus féconde, plus pure. Cet homme, ce pontife, ce sera le plus fort, le plus sympathique, le plus généralisateur de tous les êtres vivans ; il embrassera dans son amour et l’amour du prêtre de la science et l’amour du prêtre de l’industrie ; il reliera socialement les théoriciens et les praticiens. C’est lui, la loi vivante, qui, d’un coup-d’œil et par une sorte d’intuition, se posera à sa place et réglera ensuite l’échelle des vocations et des aptitudes, la hiérarchie des capacités, et le tarif des salaires ; c’est lui qui sera l’angle lumineux de la création nouvelle, qui, abreuvé de l’amour de tous, s’épandra en torrens d’amour ; c’est lui qui donnera de l’unité au travail général par la direction harmonique de tous les travaux.
Telle fut la préface du saint-simonisme ; tel fut son enseignement public avant l’heure de la pratique. Ces travaux préparatoires portaient l’empreinte d’une conviction lentement acquise. Obscurs souvent, parfois déclamatoires, ils se présentaient, enveloppés d’études si fortes et si vastes, qu’ils devaient provoquer de la part des critiques une attitude d’estime et de réserve. La chose se passait d’ailleurs dans un petit cercle d’esprits élevés, sans retentissement