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si loin que l’on dût préférer, à l’intérêt de tous, l’intérêt de quelques parens éloignés, inconnus au défunt, souvent ses ennemis, n’ayant pas, pour combattre des désirs impies et avides, l’affection qui fait patienter un héritier direct, l’amour filial plus fort qu’une pensée de survivance. Ce retour au trésor public de successions fractionnées les aurait empêchées, comme elles le font, d’ajouter quelques cent mille francs de plus à l’épargne d’un oisif, et les aurait rendues profitables à tous et à chacun comme réduction des taxes. Il est vrai que le drame et le vaudeville auraient été privés de la grande péripétie d’oncles et de cousins morts dans les Indes, oubliés et millionnaires ; il est vrai encore que la succession Stephen Gérard, ce leurre qui a duré dix ans, n’aurait plus la faculté de remuer tous les Gérard de France, au nombre de deux cent soixante-et-quinze. Mais les Gérard et les vaudevilles se seraient résignés avec le temps.

C’était donc là, selon M. Enfantin, une perception toute faite, une rentrée facile et variable seulement, comme le chiffre de la mortalité annuelle. Que si l’on trouvait un inconvénient et une occasion d’abus à ce que le gouvernement héritât, gérât, administrât, vendît des propriétés main-mortables, il était facile d’imposer tel droit progressif et presque équivalent sur les successions, en les frappant d’une manière d’autant plus lourde qu’elles résulteraient d’une prétention plus lointaine. La conséquence de la même réforme, son complément obligé devait être une forte augmentation de droits sur l’héritage au premier degré. Entrer dans cette thèse avec M. Enfantin, c’est toucher une plaie vive, c’est froisser bien des espérances, contrarier bien des loisirs à l’avance rêvés ; mais il n’en reste pas moins comme un fait évident, que le droit sur les successions, si énorme qu’il puisse être, sera toujours l’impôt le plus juste et le plus rationnel, parce qu’il prend la fortune là où elle est, au moment où elle change de mains, où elle se déplace, souvent pour arracher à un labeur productif des hommes qu’elle voue désormais à une oisiveté ou partielle ou complète.

Après avoir indiqué ce nouveau mode de perception, M. Enfantin aime à en suivre les résultats et à en indiquer les emplois les plus fructueux. Grâce à l’abolition des successions collatérales et à l’augmentation des droits de succession en ligne directe, on pouvait supprimer, d’après lui, l’impôt sur le sel, la loterie et les con-