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DIPLOMATES EUROPÉENS.

vesti de la confiance du prince, il reste sa vie entière attaché à la même carrière. De là une prudence consommée dans toutes les transactions, une intelligence profonde des affaires ; la position politique qu’on s’est faite comme un but d’ambition, devient le sujet des études de toute une vie ; c’est là vraiment le secret de la supériorité des chancelleries étrangères sur nos mobiles institutions diplomatiques.

L’Angleterre, qui, avec un admirable instinct de grandeur, ne s’est jamais dissimulé les avantages de certaines institutions étrangères sur les siennes, a essayé de corriger l’instabilité des hommes par la stabilité des partis. Là il y a deux écoles, les whigs et les tories ; en naissant, on est destiné à suivre l’une ou l’autre ; les universités de Cambridge et d’Oxford reçoivent dans leur sein cette double génération studieuse, s’appliquant aux idées spéciales qui divisent les deux grandes nuances parlementaires. On marche nettement dans la carrière qu’on s’est faite ; en sortant des bancs universitaires, on est jeté dans le parlement par des élections de famille. Si vous êtes tory et que les tories aient le pouvoir, vous entrez dans les bureaux comme sous-secrétaire d’état, pour n’en plus sortir qu’avec votre parti, et réciproquement si vous êtes whig et que les whigs tiennent le ministère. Tout est fixé dans la hiérarchie ; par cela seul qu’on sait d’où l’on vient, on sait également où l’on va.

En France, rien de semblable ; il n’y a pas une seule carrière fixe ; on a horreur de toute espèce de classification, on n’admet aucune supériorité ; le hasard vous donne une position, le hasard vous en fait tomber ; il n’y a pas plus de motifs pour les fortunes inouies que pour les disgraces éclatantes. Quand un homme a le malheur d’élever la tête au-dessus du niveau, mille voix se réunissent pour contester cette supériorité blessante et l’abattre au plus tôt ; on a plus de confiance dans le hasard que dans l’étude, dans la propre opinion de sa capacité que dans l’examen sérieux des faits. Est-il étonnant que les cabinets étrangers dominent le plus souvent les négociateurs français ? Ils opposent les traditions aux faits improvisés, des efforts persévérans à une politique mobile et variable.

En mettant en présence les trois hommes d’état que nous venons de nommer, le prince de Metternich, le comte de Nesselrode et