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changer la position du comte de Nesselrode ? Une première cause empêcha que le ministre ne fût sacrifié : l’admiration respectueuse que Nicolas professait pour les volontés et la pensée de son frère ; ensuite, jeune encore et peu au courant des affaires, il lui paraissait utile de s’entourer des hommes qui avaient dirigé la politique de la Russie depuis la grande époque de 1814. D’un autre côté, M. de Nesselrode possédait l’estime de l’impératrice-mère, et quelle puissance n’avait pas exercée cette femme couronnée sur tous les évènemens ! Elle seule garda ses mépris aristocratiques pour Napoléon ; elle domina son fils Alexandre même après Erfurth. Selon les mœurs patriarcales, ses enfans lui faisaient en quelque sorte hommage de la couronne, comme s’ils devaient le pouvoir politique à celle qui leur avait donné la vie.

Toutefois, le comte Nesselrode s’aperçut bientôt qu’il devait se modifier ; les idées avaient marché depuis la mort d’Alexandre. Il était impossible de contenir l’esprit russe, qui se prononçait avec énergie en faveur des Grecs ; il fallait donner un aliment à l’inquiétude militaire ; une guerre était indispensable. L’influence du prince de Metternich sur le cabinet de Saint-Pétersbourg s’affaiblit. C’est alors que M. de Nesselrode commence à se séparer de l’Allemagne, à se faire plus complètement Russe, à se dessiner plus nettement dans le sens de l’intervention grecque. Les temps n’étaient plus les mêmes, le principe monarchique avait partout triomphé, dans le Piémont comme à Madrid et à Naples ; la Pologne paraissait entièrement soumise sous son vice-roi Constantin. C’est ainsi que, par la tendance des faits eux-mêmes, le comte de Nesselrode devint l’antagoniste de M. de Metternich, avec lequel il avait marché jusqu’alors. La tendance russe l’emporta sur l’esprit allemand.

De cette situation nouvelle naissaient plusieurs résultats : 1o  le rapprochement intime de la Russie et de la France ; 2o  la rivalité profonde des cabinets de Saint-Pétersbourg et de Londres ; 3o  les méfiances inquiètes de l’Autriche et de M. de Metternich à l’égard des projets de la Russie sur l’Orient.

L’intimité de la France et de la Russie remontait à l’époque de 1815, et s’était resserrée au congrès d’Aix-la-Chapelle, en 1818, sous l’influence du duc de Richelieu. La pensée du cabinet français fut toute russe en effet sous le duc de Richelieu, sous MM. Dessolles, de Montmorency, de Villèle et de Damas. Le ministère sous