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REVUE. — CHRONIQUE.

trême régularité tient plutôt de l’architecture que de la sculpture. Du reste, l’idée des sujets de M. Ettex était belle. Il l’a exécutée avec un incontestable talent. D’une part, c’est la Patrie qui arrache le laboureur de ses champs et l’emmène défendre le sol envahi ; de l’autre, c’est la Paix qui le ramène à sa charrue ; rediit ad boves. Un peu moins de raideur et un peu plus d’élan, il y aurait là presque du Michel-Ange. Le morceau capital et supérieur est celui de M. Rhude. Voici bien 92. La frontière est menacée, mais les armées ennemies ne la passeront pas. Le peuple tout entier se lève comme un seul homme et court au combat. Le génie de la résistance guide nos soldats, planant sur eux, ses grandes ailes déployées, l’œil étincelant, magnifiquement irrité, sûr de la victoire. Ici tout est mouvement et enthousiasme ; tout est au niveau du sujet. Ce chef-d’œuvre de M. Rhude est un véritable chef-d’œuvre.

Les morceaux encadrés au-dessus des trophées ou sous les voûtes sont d’un autre style. Là plus d’allégorie. Le vieil uniforme de la vieille garde impériale reparaît partout, et vous le regardez le cœur ému et bondissant. Tout l’idéal est dans la vérité même des faits représentés. Que voulez-vous de plus grand ? C’est Austerlitz, c’est Aboukir, c’est le passage du pont d’Arcole, c’est Jemmapes, ou bien ce sont les funérailles de Marceau, c’est la prise d’Alexandrie. Tous ces ouvrages nous ont paru dignes du monument, et dignes aussi de MM. Gechter, Seurre aîné, Feuchère, Marochetti, Lemaire et Chaponnière, leurs auteurs.

Le bas-relief non interrompu qui court autour des quatre faces du grand entablement est dû aux ciseaux associés de MM. Brun, Laitié, Jacquot, Caillouette, Seurre aîné et Rhude. Son élévation le met tellement hors de la portée du regard, que nous n’en avons guère aperçu que l’effet ; mais cet effet est magnifique. Il nous montre réalisé tout ce que nous avions rêvé des frises du Parthénon.

Il reste à poser le couronnement de l’acrotère. Quel sera ce couronnement ? On n’est plus, dit-on, d’accord là-dessus. Nous regretterions, quant à nous, qu’on eût abandonné l’idée de cet aigle immense qu’on avait promis de confier au ciseau de M. Barye. Laissez à César ce qui appartient à César. Vous avez été déjà généreux et désintéressés. Vous n’avez pas imité cette faiblesse de Napoléon qui mettait son chiffre à des monumens qu’il n’avait pas bâtis. Vous l’avez replacé lui-même sur sa colonne. Soyez plus généreux encore ; placez son aigle sur cet arc que vous avez fini, mais qu’il avait commencé, et qui est l’arc de ses triomphes.

Les esprits prompts à s’alarmer se sont exagéré l’importance des derniers mouvemens carlistes en Espagne. Certes c’est un symptôme fâcheux que la persistance de cette insurrection, qui gagne chaque jour du terrain, s’étend et se propage dans des provinces qu’elle n’avait pas jusqu’à présent atteintes. Pour quiconque a étudié de près et sérieusement ce pays, il était clair que la guerre civile se prolongeant, les choses devaient inévitablement se passer ainsi. Ce n’était pas uniquement au nord que le prétendant avait des champions nombreux et décidés ; il en avait bien d’autres également dévoués partout ailleurs. Mais au moins, partout ailleurs qu’en Biscaye et dans le Guipuzcoa, la force supérieure et organisée d’avance des libéraux, et leurs mesures bien prises, avaient fortement