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REVUE. — CHRONIQUE.

tout, coûte que coûte, toute autre réforme cessante, ce sera la réforme de la guerre civile. Le commandement suprême de l’armée semble, à l’heure qu’il est, bien mal à propos et bien imprudemment mis aux mains de Cordova, le plus beau discoureur, mais le moins capable des généraux qui, depuis 1833, sont successivement venus s’essayer sans succès contre les bataillons carlistes. Que les cortès qui arrivent constituent par leur vote et soutiennent franchement une administration vigoureuse et indépendante. Dût-elle déplaire à la cour afin de la mieux servir, cette administration saura bien, sans doute, choisir enfin le général qu’il faut aux troupes de la reine. Ce serait trop malheureux si la cause de la liberté ne découvrait pas parmi les siens un seul homme digne et en état de la défendre, lorsqu’au défaut de Zumalacarreguy, celle de l’absolutisme trouve d’emblée, dans la personne de Bruno Villareal, un second chef aussi entreprenant et aussi habile que son prédécesseur.

En Angleterre, la querelle continue aussi animée entre les deux assemblées législatives, et le public continue de regarder ce spectacle parlementaire avec le même calme indifférent. Il est inoui qu’une crise politique de cette gravité s’opère au milieu d’un pareil engourdissement du pays qu’elle intéresse. Les lords, qui ne voient plus nul inconvénient à être courageux et imprudens, redoublent chaque jour de hardiesse et de témérité ; il n’y a plus de mesure utile et libérale qui trouve grâce devant eux, si inoffensive qu’elle soit et en dehors des questions de parti. Les communes leur avaient dernièrement envoyé, en seconde instance, un bill tendant à abolir l’emprisonnement pour dettes. Il n’a pas été mieux accueilli de leurs seigneuries cette année que l’année passée. Il vient d’être encore impitoyablement repoussé. Que voulez-vous ? La pairie est inviolable. A-t-elle emprunté de l’argent, il n’y a de recours ni contre ses biens ni contre ses personnes ; pourquoi partagerait-elle avec le peuple ce privilége ? Et puis le grand mal, quand des créanciers légitimes tiendraient toute sa vie entre quatre murs un pauvre homme qui n’est pas un lord ! Le bill des corporations anglaises et galloises, arraché à grand’peine l’an passé de la chambre haute, nécessitait un amendement qui en facilitât l’exécution. Cet amendement, voté par les communes, est soumis aux pairs. Mais ils se reprochent assez déjà la faiblesse qu’ils ont eue de consentir une loi si capitalement hostile à leurs intérêts ; au moins ils ne perdront pas cette excellente occasion qui s’offre d’entraver la marche des municipalités nouvelles. L’amendement est rejeté. Une autre victime plus illustre a bientôt présenté la gorge à leurs seigneuries. Il s’agit du fameux bill de la dîme irlandaise, qui leur arrive résigné d’avance à son sort, quoique fort d’un vote des communes qui a, pour la troisième fois, consacré son principe d’appropriation. Et en effet, à la requête de lord Lyndhurst, la clause d’appropriation est retranchée, c’est-à-dire que le bill tout entier est anéanti. Cette fois même, comme les revenus de l’église sont touchés, afin que l’immolation soit plus solennelle, le banc des lords spirituels dirige le sacrifice. C’est l’éloquence fanatique de l’évêque d’Exeter qui a fulminé les grands mots de spoliation et de sacrilége.

On dirait que la seconde chambre songeait à prendre sa revanche quand elle expédiait si rapidement, de son côté, deux mesures de réforme fort