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LES BARDES.

Tydain, qui pourrait bien être le Teutatès, le Mercure gaulois, inventeur des arts[1]. Il est associé dans cette circonstance à Hu-le-Fort, qui paraît être le même qu’Hésus, le Mars gaulois. Ainsi, l’institution des bardes, dans le pays de Galles, se rattache par les traditions de son origine à la mythologie celtique.

Un rapport singulier des bardes gallois avec les druides, c’est le caractère pacifique inhérent à la condition de barde. Les druides, semblables en cela au clergé catholique, étaient dispensés de prendre part à la guerre, et dans le principe les bardes gallois étaient entièrement étrangers aux armes, à tel point que par le fait même de la guerre on abjurait la dignité de barde. Le bardisme, comme l’église, avait horreur du sang ; noble pudeur du meurtre bienséante à la poésie et à la religion.

Les triades galloises fournissent des preuves de ce fait curieux : les triades sont des collections de noms propres et de souvenirs, la plupart fort anciens, groupés trois par trois ; parmi ces triades il y a celle des trois plus grands traîtres, des trois plus célèbres amans, des trois femmes les plus belles ; il y a aussi les triades des trois guerriers qui se sont faits bardes, et celle des trois bardes qui ont abjuré la condition de barde pour se faire guerriers.

Tel était l’état primitif du bardisme gallois ; mais bientôt, par la force des choses, la guerre entra dans cette institution héritière de l’esprit pacifique des druides. Le barde Aneurim, dont je parlais tout à l’heure, était si peu étranger à la guerre, qu’il nous apprend lui-même dans son chant sur la fatale bataille de Cattraeth, comment il a survécu presque seul à tous ses compagnons ; Merlin et Taliessin aussi étaient guerriers.

Le vie siècle fut l’âge d’or des bardes gallois ; ce fut la dernière époque de glorieuse résistance contre l’invasion saxonne pour la nation cambrienne et pour les Bretons du Nord, qui sont aussi célébrés par les bardes. On a les poésies authentiques de plusieurs bardes de ce temps[2]. Les plus célèbres sont : Aneurim, Llywarch, Taliessin et Merlin[3].

  1. Owen, Cambrian Biography, 334.
  2. L’authenticité de ces poésies a été mise à l’abri de toute objection par l’excellente dissertation que M. Sharon Turner a placée dans le troisième volume de son Histoire des Anglo-Saxons.
  3. Merlin ou Myrddhin. La tradition lui attribue l’érection du monument gigantesque