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GABRIEL NAUDÉ.

ciales. Il n’y a pas ici de basse flagornerie pour Mazarin ; s’il tait le mal, au moins le bien qu’il avance est vrai. Il reconnaît plusieurs des Mazarinades « composées avec addresse, ingénieusement desguisées et proprement assaisonnées. » Il règne dans tout le livre une critique si saine, une réserve si sage, que l’un des plus acharnés ennemis du cardinal, Guy-Patin, a dit : « Combien que le sujet me déplaise, la lecture du livre ne laisse pas de m’être fort agréable. » Il n’y a point d’ailleurs plus d’un sixième du volume consacré à Mazarin. Ce sont à tout propos des digressions savantes et pleines d’intérêt sur des questions d’art ou d’histoire. Je recommande, entre autres choses, des détails curieux sur les dépenses de nos rois, et un excellent morceau sur la poésie macaronique ; l’histoire de ce genre de littérature y est parfaitement traitée et avec une érudition supérieure. Le Mascurat est un livre où l’on apprend toujours quelque chose chaque fois qu’on l’ouvre. Selon le père Lelong, ce qu’il y a de plus remarquable dans ce pamphlet, c’est un sentiment plus vif et plus dégagé, quelque chose de moins chagrin et misanthropique que dans les Coups d’état : on y remarque une allure franche et un peu cavalière. Les deux interlocuteurs mangent et boivent au plus fort, ce qui ne les empêche pas de citer du grec et du latin à toutes les phrases. Mascurat renvoie parfaitement la balle à Sainct-Ange. Ce dernier a beau soutenir les pamphlétaires, il faut qu’ils soient battus. Naudé, par la bouche de Mascurat, les compare ingénieusement à différentes drogues que certaine femme, dans Ausone, donna à son mari pour ne point faillir de l’empoisonner ; une seule l’eût tué, et toutes, se servant mutuellement d’antidotes, n’eurent aucun effet. Autre part, il se moque de ceux qui accusaient Mazarin d’être ignorant, parce que lui-même en était convenu par modestie. « Donne-t-on, dit-il, ses bottes à nettoyer à celuy là qui se dit vostre très humble serviteur ; et si on dit : Il n’y a rien céans qui ne soit à vostre service, cela donne-t-il lieu d’emporter les meubles d’une maison ? Envoye-t-on à l’eschole le savant qui se dit ignorant ? » Naudé ne manque pas de profiter, pour la justification de son maître, de ces déductions historiques que nous avons fait remarquer plusieurs fois déjà dans sa manière. Ainsi, comme on reprochait à Mazarin d’avoir un singe qu’il mettait sur ses genoux, c’est tout à coup, et comme un flot qui déborde de l’antiquité : Épaminondas s’exerçant avec les garçons de la ville, Scipion jouant à cornichon va le long devant de la marine avec Lœlius, Agésilas montant à cheval sur un bâton pour faire rire ses enfans, Jacques, roi de Chypre, s’amusant à dévider, Charles IX ferrant son cheval, Auguste caressant une caille, Alexandre agaçant de petits pourceaux, et Honorius portant une poule. S’il ne cite pas les mouches de Domitien, l’ours de Valentinien nourri de chair humaine et le cheval de Caligula, c’est que ces noms ne lui paraissent pas sans doute propres à rappro-