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tilos et Jamine, étaient voiturés dans des litières, et les habitans du village qui portaient les présens destinés à leur souverain. Venait enfin le gouverneur, monté sur un éléphant et entouré de sa propre garde. Durant le voyage, ils arrivèrent aux bords d’un fleuve où se trouvaient un grand nombre de crocodiles qui dévorèrent l’un des hommes de l’escorte.
Au bout de trois jours, ils aperçurent devant eux la ville de Rochapatta, entourée de hautes montagnes. Au moment où ils s’approchèrent de la ville, une multitude innombrable accourut à leur rencontre, les uns montés sur des éléphans, les autres sur des ânes, d’autres encore portés en palanquin ; mais le plus grand nombre était à pied.
Là, ils furent reçus par un officier qui les conduisit dans le vaste et splendide château du roi, dont il ferma la porte derrière eux, afin que la foule des curieux ne pût y pénétrer avec le cortége. Ensuite, il les présenta au roi Rachius qui était assis sur un tapis précieux. Les Tyriens lui offrirent leurs présens qui consistaient en chevaux, en étoffes de pourpre et en siéges de bois de cèdre. Le roi, de son côté, leur fit remettre des perles, de l’or, deux mille dents d’éléphant et une grande quantité de cannelle. Puis il leur donna l’hospitalité pendant trente jours.
Quelques Tyriens moururent dans l’île, l’un d’eux de maladie, les autres frappés par les dieux. Un Tyrien ayant trouvé des crottes de chèvres, traça quelques sillons dans le sable et invita l’un de ses compagnons, qui était près de là, à venir jouer avec lui. L’autre chercha vainement du crottin de chameau, attendu qu’il n’existe pas de chameaux dans cette île, et pour le remplacer il prit une bouse de vache qu’il coupa en morceaux ; puis il se plaça vis-à-vis son compagnon, déposa les morceaux de fiente dans les sillons tracés sur le sable, et le jeu commença. Un prêtre qui passa par là les invita à cesser ce jeu, attendu que la fiente de vache était sacrée dans ce pays. Mais les deux Tyriens se rirent de cette injonction et continuèrent leur jeu. Le prêtre s’éloigna, mais quelques instans après, les deux joueurs tombèrent morts, au grand effroi des assistans. L’un des deux morts était né à Jérusalem.
La grande île de Rachius est entourée de tous les côtés par la mer si ce n’est vers le nord où elle communique par un isthme avec le continent opposé. Baaut dont on voit encore les pas empreints sur les montagnes a créé cette île en amoncelant le limon primitif. C’est de Baaut que descend le grand roi[1]. L’île a en largeur six jours de marche et plus de douze en
  1. On a pensé que le nom de Baaut avait été employé ici pour désigner Bouddha, et de là on a tiré une preuve contre l’authenticité du travail de M. Wagenfeld. Mais d’abord il n’est pas démontré que le culte de Bouddha n’ait pas existé à Ceylan, au xe siècle, avant J.-C ; et, d’un autre côté, rien ne dit qu’ici Baaut se rapporte à Bouddha. Baaut est le nom que les Phéniciens donnaient au chaos. Avoir vu les traces des pas de Baaut dans un lieu,