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sans résultats durables. Nous lui devrons peu d’histoires achevées, écrites, mais des documens inédits, des compilations intéressantes, des ébauches, qui ont le mérite d’indiquer des sources et de grouper des faits ; en un mot, une foule de livres utiles à ceux qui s’appliqueront avec discernement à la science du passé.

L’histoire des religions, qui se mêle aujourd’hui à tous les genres d’écrits, est l’objet spécial de plusieurs publications. M. Anot de Maizières a réuni, sous le titre de Code sacré[1], des tableaux où sont rapprochées les diverses traditions religieuses sur les points principaux du dogme et de la morale. C’est un atlas destiné à l’étude des opinions et des croyances, qui sans doute prendra place, dans les bibliothèques, à côté de ceux qui exposent les révolutions politiques : il en présente les avantages réels et les inconvéniens inévitables. Nous adresserons à M. Anot de Maizières quelques observations critiques, qui ne peuvent pas nuire à sa compilation : le public sait fort bien que discuter les détails d’un ouvrage, c’est rendre témoignage de son importance. Nous lisons (page 10 de l’introduction) : — « La religion de Fo ou Bouddhah, qui marque à l’orient la première révolution du brahmaïsme, est tellement identique pour le fond de la doctrine avec la religion primitive, que le savant Schlegel avoue ne pouvoir l’en distinguer. » — Comment s’en tenir au doute sur une doctrine qui est aujourd’hui professée par plus de deux cent cinquante millions d’hommes, et qui se trouve, relativement à la révélation primitive de Brahma, dans les mêmes termes que le protestantisme à l’égard du catholicisme. Le véritable fondateur du boudhisme, Shakia-Mouni, n’est pas même cité une seule fois, et nous ne savons pourquoi on lui donne le nom de Fo, un des plus anciens révélateurs de la Chine. Quant à cette dernière contrée, nous voudrions connaître les croyances qui l’ont divisée long-temps, et qui tendent à se fondre aujourd’hui, moins par persuasion que par l’état de somnolence où se trouvent les esprits. La secte de Lao-Tseu, suivie par la masse du peuple, méritait d’être mentionnée autant que la réforme philosophique de Confucius. En suivant l’histoire du boudhisme, qui, repoussé de l’Inde, où il prit naissance, a débordé sur la Chine, le Japon, le Thibet, la presqu’île malaise et Ceylan, on aurait obtenu des notions plus exactes sur les pratiques religieuses de ces derniers pays. L’auteur du Code sacré a sans doute tracé son vaste cadre avant de reconnaître si les matériaux valables rassemblés jusqu’ici étaient assez abondans pour le remplir. En beaucoup de cas, l’absence des textes sacrés l’a conduit à formuler des dogmes d’après des autorités

  1. Ou Exposé comparatif de toutes les religions de la terre. Grand atlas in-folio. Chez Angé, éditeur, rue Guénégaud, 19.