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phrase en langage biblique, où se sont donné rendez-vous tous les noms baroques de l’histoire universelle, rend cette lecture souvent fatigante. Il est difficile de remonter aux sources dont l’indication est très vague : de sorte que les faits si péniblement amassés pour établir la loi du développement humanitaire, ne prouvent rien de plus que l’une des mille hypothèses qui courent à petit bruit dans le monde, en attendant le grand jour où la société leur viendra demander son salut.

Avouons qu’il est au-dessus des forces ordinaires de l’intelligence de saisir l’esprit de toutes les religions connues et d’en constater nettement la valeur. Il est bien difficile déjà d’en approfondir une seule. Ainsi, nous doutons qu’on possède une idée bien juste du christianisme, après avoir lu l’ouvrage que M. de Potter présente comme le fruit de vingt années d’efforts. Ce n’est pas là une exagération de prospectus. Toutes les publications qui ont rempli sa vie studieuse, se rapportent aux annales de la société chrétienne et se trouvent refondues dans l’Histoire philosophique, politique et critique de l’Église[1], dont le premier volume vient d’être livré à l’examen. Une introduction très développée résume les doctrines de l’auteur. Ce qui l’a déterminé à prendre la plume, c’est la parité de l’époque actuelle avec celle de la réforme tentée par les premiers chrétiens. — « C’est (nous dit-il, page x), la conviction profondément arrêtée que nous ne parviendrons à recomposer la société qui se dissout qu’en invoquant les principes fondamentaux de la doctrine de Jésus, et par les moyens mis en œuvre du temps des apôtres et de leurs disciples immédiats, c’est-à-dire par la charité et le dévouement spontanés comme religion, et l’association fraternelle des hommes se reconnaissant tous égaux en droits pour base d’institutions sociales. » — Cet exposé semble promettre des études sévères sur le principe chrétien, des recherches sur la politique des apôtres, et les succès vraiment merveilleux de la foi nouvelle. En effet, les histoires connues jusqu’ici sont loin d’être satisfaisantes sur ce point. Celles qui ont pour auteurs des membres du clergé sont moins des annales que des apologies. La conversion des peuples y est expliquée par l’éclat et l’ascendant des miracles. Le moyen cependant eût été assez mal choisi. Le don des miracles n’était pas alors un privilége acquis aux chrétiens. Les traditions de cet âge attestent des faits surnaturels bien plus inexplicables que les guérisons opérées par les apôtres, et les théologiens modernes, ne pouvant repousser les témoignages de l’antiquité sans danger pour leur propre croyance, ont fait honneur au diable de tous les prodiges qui ne servaient pas directement la cause de Dieu. L’un des plus réservés, l’abbé Fleury, dont on réimprime présen-

  1. Librairie de Leclaire, rue Hautefeuille, 14. L’ouvrage aura huit volumes.