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qui, dans les premiers siècles du moyen-âge, portèrent sur leur couche de pierre plus de fleurs de poésie que les contrées méridionales. Le premier siége épiscopal de l’Islande fut établi à Skalholt, ainsi que la première école. Là fut aussi, pendant une vingtaine d’années, l’imprimerie[1]. Là ont vécu des hommes justement célèbres, des orateurs, des philosophes, des historiens ; cet Isleifr qui commença, en l’an 1057, ses fonctions de premier prélat de l’Islande, par assembler autour de lui une troupe d’enfans, à qui il enseignait les belles-lettres ; ce Gissur, qui, au commencement du xiie siècle, avait visité les grands états de l’Europe, et parlait la langue de tous les pays où il avait voyagé, si bien qu’à son retour on lui donna le surnom de Flos Peregrinationis ; Tharlakr l’érudit, et Finnsen, le savant auteur de l’Histoire ecclésiastique. Deux fois l’église métropolitaine de Skalholt fut brûlée, et deux fois rebâtie à grands frais sur un plan plus large. L’évêque donnait alors des fêtes auxquelles il invitait huit cents personnes, et chacune d’elles, en s’en allant, recevait quelque présent. Plus tard, lorsque l’école de Hoolum fut fondée, celle de Skalholt conserva encore sa prérogative. En l’an 1100, on enseignait dans cette école le latin, la grammaire, la poésie, la musique. C’est plus qu’on n’en savait alors dans d’autres grandes villes du reste de l’Europe.

En 1552, le roi de Danemarck établit un nouveau règlement pour ces deux écoles. Il donna aux évêques la jouissance de quelques biens que la réformation avait enlevés au clergé, et leur imposa l’obligation de pourvoir à l’entretien des élèves. Mais trop souvent les évêques, au lieu de remplir noblement leur devoir, s’abandonnèrent à un indigne sentiment de cupidité. Ils prenaient pour eux le revenu des biens qui leur étaient confiés, et dépensaient pour les élèves le moins possible. Plusieurs fois le roi leur écrit pour les rappeler à leur devoir. Finnsen rapporte, dans son Histoire ecclésiastique, une lettre qui montre dans quels minces détails il fallait entrer, et quelles précautions on était obligé de prendre pour garantir les pauvres élèves stipendiaires de l’avarice des prélats. Permettez-moi de vous citer quelques passages de cette lettre vraiment caractéristique, et pour le temps où elle fut écrite, et pour le pays auquel elle s’adresse.

« L’évêque, dit le chancelier, qui parle au nom du roi, entretiendra, pour l’amour de Dieu, une bonne école et vingt-quatre écoliers : il aura un professeur et un maître ; il donnera au premier 60 thalers par

  1. De 1685 à 1704. Elle était venue de Hoolum, elle y retourna. Entre autres bons livres imprimés à Skalholt dans ce court espace de temps, il faut compter le Landnama Bok, la saga du roi Olaf, les Harmonies évangéliques, la Grammaire latine, le livre de l’Althing. Nous rapporterons en France quelques-uns de ces livres, qui sont à présent, en Islande même, de vraies raretés.