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DE L’ESPAGNE.

réunion se mit aussitôt à l’œuvre. Elle avait, dès l’abord, à remplir deux tâches principales : rétablir des relations avec les patriotes espagnols de l’intérieur, et se mettre en communication avec le nouveau gouvernement français. Admis dans l’intimité de la plupart de ses membres et jusque dans leurs assemblées, je fus chargé de cette dernière mission, qui avait elle-même un double objet. La première partie du rôle qui m’était confié s’adressait directement au Palais-Royal, devenu le siége du gouvernement à la place des Tuileries désertes. L’émigration espagnole demandait qu’on l’aidât à soulever son pays, à repousser Ferdinand VII et sa famille jusqu’à quelque autre Cherbourg. Elle offrait, en échange, sous la promesse d’une ratification solennelle des cortès nationales, la couronne d’Espagne au duc de Nemours. Ce nouveau Phihppe V, en épousant dona Maria, l’héritière de don Pedro, alors à Paris, réunissait par un mariage le Portugal à l’Espagne, comme, au temps des rois catholiques Isabelle et Ferdinand, s’étaient réunis la Castille et l’Aragon ; la Péninsule entière devenait ainsi une annexe de la France, ou du moins les deux nations se trouvaient si étroitement liées par la communauté des intérêts, des institutions et des dynasties, qu’on réalisait enfin le mot fameux de Louis XIV : Il n’y a plus de Pyrénées.

La proposition fut reçue comme elle devait l’être, avec empressement, je dirais presque avec enthousiasme. On encouragea les réfugiés espagnols ; on leur laissa toute liberté d’agir ; on leur promit des secours efficaces, 100,000 francs furent tirés de la cassette royale pour aider aux premiers besoins. C’est M. Molé, alors ministre des affaires étrangères, aujourd’hui chef du cabinet, c’est M. Molé qui remit cette somme, de la main à la main, au général Lafayette, et qui en détermina l’usage, d’accord avec lui. 70,000 francs furent portés à Bayonne par M. Chevallon, pour être distribués aux réfugiés qui se rendaient à la frontière, et 30,000 francs à Marseille, par M. Dupont, pour être envoyés au général Torrijos, qui préparait à Gibraltar une expédition sur l’Andalousie.

La seconde partie de ma mission s’adressait aux ministres, agens officiels du gouvernement. Je me présentai chez M. Guizot au moment où il prenait possession du ministère de l’intérieur. Je lui exposai l’objet de ma visite, les intentions des réfugiés espagnols, et lui demandai la réponse catégorique qu’ils attendaient, soit