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DE L’ESPAGNE.

hommes, leurs officiers en tête, partaient, tambour battant, enseignes déployées, recevant sur toute la route les prestations militaires comme des soldats de notre propre armée. Je puis citer, entre autres, et pour donner toujours la preuve de ce que j’avance, les détachemens commandés par MM. Borso di Carminati, Charrier, Barraco, Rouy, Faquinetto, Galante, Cesarini, Legris, Freytag, etc.

Cette fièvre révolutionnaire, dont le gouvernement semblait atteint, lui dura peu. La diplomatie étrangère intervint au Palais-Royal, apportant des propositions de paix et d’alliance. On fit remarquer que les fameux traités du 20 novembre 1815, conclus pour vingt ans, étaient encore la loi politique de l’Europe ; que les souverains contractans s’y étaient engagés à maintenir sur le trône de France la famille des Bourbons, et à se garantir mutuellement contre le retour de toute révolution dans ce pays ; que Louis-Philippe étant Bourbon lui-même, on pouvait, à la rigueur, ne pas voir dans son avènement une violation des traités, un casus belli, mais que ce serait sous la condition qu’il comprimerait lui-même l’esprit démocratique, et donnerait à l’Europe coalisée les mêmes gages de sécurité contre la révolution que donnaient les Bourbons de la branche aînée. L’envoi de M. de Talleyrand pour plénipotentiaire aux conférences de Londres fut la réponse aux insinuations de la diplomatie.

Dès-lors fut oublié le beau rêve de la couronne péninsulaire ; l’Espagne, l’Italie, la Pologne, qu’on avait, sinon soulevées, au moins encouragées sous main, furent abandonnées à elles-mêmes. Cependant il fallait, quelque temps encore, cacher ce jeu nouveau. On rusa d’abord, avant de jeter le masque, et je vais citer un fait qui suffira seul à caractériser cette politique de transition. Dans l’émigration espagnole, un homme se trouvait désigné, par la juste popularité de son nom, pour diriger le mouvement révolutionnaire de l’Espagne ; c’était le général Mina. Accouru, comme les autres, de Londres à Paris, il alla voir, à son arrivée, celui des ministres français près duquel l’appelait de préférence la similitude de leur profession, M. le maréchal Gérard. Il reçut l’accueil le plus cordial et les assurances les plus positives de sympathie et de protection. Mais M. le maréchal Gérard (et certes ce n’est pas sa loyauté que j’accuse en ceci) lui fit jurer sur l’hon-