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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/779

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REVUE. – CHRONIQUE.

que s’il croyait pouvoir marcher avec les élémens connus, il entrât au ministère, sinon, non. À moins d’un grand défaut de réflexion et d’une inconcevable légèreté, M. Guizot doit être convaincu aujourd’hui qu’à la moindre hésitation des chambres, il sera abandonné sur-le-champ par la couronne. Voilà qui peut expliquer l’indécision du nouveau cabinet.

Repoussé dans sa prétention de dissoudre à son gré la chambre, M. Guizot a reporté toute sa raideur sur le personnel du ministère de l’intérieur. Il faut dire que les nouveaux ministres désiraient tous le maintien de M. de Montalivet, et la couronne a refusé pendant treize jours de l’abandonner. Mais M. Guizot a une antipathie particulière pour M. de Montalivet ; la position de celui-ci auprès du roi lui porte ombrage ; ces sentimens l’ont emporté sur son désir bien connu de plaire au maître.

Tout est fâcheux dans l’avènement du nouveau ministère ; tout y décèle une profonde inintelligence des hautes convenances politiques. Si quelque chose prêtait quelque crédit à l’étranger au parti doctrinaire, c’était l’alliance anglaise ; et voilà M. Guizot qui entre aux affaires dans le but patent d’en arrêter les effets salutaires pour la liberté constitutionnelle du midi de l’Europe ; mais qu’importe à M. Guizot ? La politique pour lui, c’est une résistance systématique, qui confond tout, les réformes nécessaires et les utopies chimériques ; c’est la compression intérieure et la méconnaissance des affaires du dehors. M. Guizot n’a aucun souci de l’Europe, du monde ; il n’a jamais cherché à faire prévaloir, dans le conseil, une seule idée en politique étrangère ; il sera tour à tour Anglais, Russe, Autrichien, pourvu qu’on lui abandonne l’intérieur.

Il est certain que l’ancien ministère, quelles qu’aient été d’ailleurs ses incertitudes et ses demi-mesures, s’est retiré sur une question de liberté et de dignité extérieure ; il voulait, dans les limites de la quadruple alliance, prêter à l’Espagne constitutionnelle un secours puissant et réel, abattre don Carlos, ôter par cet avantage décisif tout prétexte aux excès ultra-révolutionnaires, et pacifier l’Espagne. Enfin, quels qu’eussent été les évènemens, l’ancien ministère voulait la révolution espagnole quand même. L’Europe du nord l’a bien compris, et n’a pas permis à la France une coopération aussi puissante ; elle a demandé, et, nous le disons avec douleur, elle a obtenu l’abandon de toutes les résolutions et de tous les préparatifs du cabinet du 22 février, qui, depuis le 5 août, n’a plus été libre, et a vu défaire son ouvrage et ses combinaisons.

Don Carlos à Madrid sera un échec pour tout ce qui en Europe ne trempe pas dans l’absolutisme pur, pour tout ce qui participe, dans quelque degré que ce soit, à l’esprit progressif et constitutionnel. Don Carlos à Madrid relève la cause et l’étendard des dynasties déchues ; il offre un refuge, une armée, des frontières limitrophes au carlisme fran-