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tance qui permet de le faire impunément. Tels sont, pendant trois ou quatre jours, les préliminaires de la bataille ; car c’est à qui n’attaquera pas le premier. Les officiers, dont la modestie va jusqu’à se comparer à nos généraux les plus renommés, disent qu’en cela ils suivent l’exemple de Napoléon, qui n’attaquait jamais le premier ! Pourtant, comme il faut en finir, on se détermine à en venir sérieusement aux mains. Le jour fixé pour l’action, après que chacun a pris son chocolat, on se présente au combat. L’affaire commence ordinairement par une canonnade ; mais les boulets sont presque tous perdus, les Mexicains n’ayant que de très mauvais artilleurs. Au premier coup de canon, comme on voit de part et d’autre qu’il s’agit de se battre pour tout de bon, on est devenu plus poli ; on cesse de s’injurier ; on craint de mettre son ennemi trop en colère. Si les coups de canon n’avancent pas la besogne, on en vient à la fusillade. Dans tous les cas, l’action ne dure pas long-temps, car aussitôt que l’un des partis voit tomber sous ses yeux une trentaine des siens, il cède le terrain. Quand on est repoussé, on ne cherche jamais à se rallier et à rétablir le combat : on se sauve à toutes jambes ; les officiers donnent l’exemple, et comme ils sont à cheval, la fuite leur devient plus facile. C’est un désordre, un sauve qui peut général. À la bataille du Gallinero, un officier-général des milices fit, en se sauvant, cinquante lieues en un jour et une nuit. Il arriva tout hors d’haleine à la ville qu’il habitait ; mais la peur d’être atteint par l’ennemi avait tellement fait perdre la tête au pauvre homme, qu’il traversa au galop la rue où il demeurait, et s’en fut frapper à la porte d’une église, la prenant pour sa maison. Les soldats qui n’ont pas de chevaux s’échappent comme ils peuvent, ou se laissent prendre. L’ennemi ne manque jamais d’en massacrer un certain nombre, bien que désarmés. Les officiers surtout montrent un acharnement incroyable pour ces sortes d’assassinats, et frappent à grands coups de lance ces malheureux prisonniers, se vengeant ainsi, après le combat, de la peur qu’ils ont eue avant. C’est ainsi qu’à la bataille du Gallinero el valiente coronel Durand massacra deux cents prisonniers désarmés ; c’est ainsi qu’on vit le général Tolsa faire percer sous ses yeux à coups de baïonnette un pauvre officier qu’on lui avait amené prisonnier. Ceux qui ne peuvent exercer leur fureur sur des êtres vivans, prennent le barbare divertisse-