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LETTRES SUR L’AMÉRIQUE.

ou nous nous vendons à elle pour sa dot. L’Américain la choisit ou plutôt s’offre à elle pour sa beauté, son intelligence et ses qualités de cœur : c’est la seule dot qu’il recherche. Ainsi, pendant que nous faisons matière à trafic de ce qu’il y a de plus sacré, ces marchands affectent une délicatesse et une élévation de sentimens qui eussent fait honneur aux plus parfaits modèles de la chevalerie. C’est au travail qu’ils doivent cette supériorité. Nos bourgeois de loisir, ne pouvant augmenter leur patrimoine, sont obligés, au moment où ils prennent femme, de supputer sa dot, afin de savoir si son revenu joint au leur suffira aux dépenses du ménage. L’Américain, ayant le goût et l’habitude du travail, est assuré de subvenir amplement, par son industrie, aux besoins de sa famille, et se trouve dispensé de ce triste calcul. Est-il possible de douter qu’une race d’hommes qui réunit ainsi à un haut degré les qualités les plus contradictoires en apparence ne soit réservée à de grandes destinées ?


Michel Chevalier.