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ninsule, se comportaient en Floride sans façon, comme chez eux. Il écrivit de sa propre autorité au gouverneur espagnol pour qu’il cessât toute connivence avec les Anglais, et pour qu’il livrât les chefs des Creeks qui s’étaient réfugiés en Floride. Le gouverneur, pour unique réponse, demanda l’extradition des insurgés mexicains retirés aux États-Unis, et la répression des corsaires de Barataria. La réplique du général Jackson fut très vive ; elle se terminait par ces mots : « À l’avenir je vous prie de vous abstenir d’imputations injurieuses envers mon gouvernement, et de les réserver pour d’autres plus disposés que je ne le suis à entendre la calomnie ; et ne croyez que j’aie mission diplomatique pour argumenter avec vous, que lorsque vous l’aurez appris de la bouche de mes canons. » Le résultat de cette polémique fut que quelques semaines après les Américains étaient maîtres de Pensacola, par la grace du général Jackson, sans qu’il y eût eu déclaration de guerre entre les États-Unis et l’Espagne, sans que le général eût reçu ordre du président de faire aucune démonstration contre les Espagnols.

Cette attitude vigoureuse à l’égard de l’étranger valut un grand renom au général, et ne contribua pas peu à lui faire pardonner les écarts de son humeur indomptable. Peu après la paix, en 1818, il recommença ses coups de collier contre les Indiens Séminoles qu’il anéantit à peu près, contre les émissaires anglais, ou les commerçans supposés tels, en faisant exécuter Ambrister et Arbuthnot, et enfin contre les Espagnols de la Floride. Cette fois, l’invasion de ce dernier débris des colonies de l’Espagne était absolument inexcusable. Le général Jackson s’empara de la Floride parce qu’il la crut bonne à prendre et bonne à garder. Il y avait long-temps qu’il couvait l’incorporation de cette province dont l’Espagne ne tirait aucun parti, et qui était parfaitement à la convenance de l’Union ; se trouvant dans le voisinage, à la tête d’une force armée considérable relativement, il s’avança sans demander conseil à qui que ce fût, sans que les Espagnols lui eussent fourni le plus léger prétexte, et, malgré les injonctions formelles du cabinet de Washington, il planta son drapeau sur toutes les forteresses espagnoles, à Saint-Marc et à Pensacola. À la suite de cette seconde conquête, l’Espagne fit cession de la Floride aux Anglo-Américains. La carrière militaire du général Jackson fut alors terminée. Il entra dans la vie politique.