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REVUE DES DEUX MONDES.

Il y avait autrefois, comme je l’ai dit dans une précédente lettre[1], deux écoles latines en Islande. Toutes deux furent d’abord réunies à Reykiavik, et en 1806, l’école de Reykiavik fut transportée à Besesstad. Ce qu’on nomme Besesstad n’est autre chose qu’une église et une ferme. Il y a là 40 élèves. Il ne peut y en avoir plus, faute de place. Encore couchent-ils deux à deux, ou plutôt quatre à quatre dans une espèce d’armoire à double compartiment qui chaque soir se ferme hermétiquement sur eux, et dont l’aspect seul fait frémir. Si l’on a pris à tâche de leur donner de bons maîtres et de leur enseigner beaucoup de choses en peu de temps, on s’est très peu occupé de leur bien-être matériel. Leur existence est livrée à un économe qui, pour un prix déterminé[2], se charge de les nourrir et de leur donner des souliers pendant huit mois de l’année[3]. Celui qui exerce maintenant cette espèce de monopole est, il est vrai, un homme dont la probité présente de grandes garanties ; mais il a depuis long-temps le désir d’abdiquer ses fonctions, et quand il sera remplacé, à quelle triste spéculation les élèves ne seront-ils pas exposés !

L’école s’ouvre au 1er octobre et se ferme au 1er juin. Les élèves ont huit heures de leçon par jour. Ils étudient l’hébreu, le grec, le latin, le danois, l’histoire, la géographie, l’arithmétique, et dès leur entrée à l’école, la théologie, car Besesstad est, avant tout, une école ecclésiastique, une espèce de séminaire ; et de cette contraction forcée de divers genres d’étude résulte un grand inconvénient. Ceux qui deviennent prêtres, en sortant de là, sont loin d’avoir acquis les connaissances qui leur seraient nécessaires. Ceux qui suivent une autre carrière ont passé de longues heures à recueillir des notions de théologie qui leur sont complètement inutiles. Tous les hommes éclairés d’Islande désireraient qu’il y eût au moins deux écoles distinctes. L’argent manque pour les établir.

Il y a à Besesstad quatre professeurs. Le premier qui enseigne la théologie et qui représente l’école dans toutes les occasions importantes, reçoit par an 400 species (2400 fr.). Les autres n’ont que 1800 fr. Tous quatre sont des hommes vraiment remarquables, et tels qu’on serait heureux d’en rencontrer dans beaucoup d’institutions plus renommées que l’humble école de Besesstad. L’un d’eux est très versé dans la connaissance de la langue hébraïque et de l’histoire ecclésiastique. Un autre s’est distingué

  1. Voir la Revue des Deux Mondes du 15 septembre.
  2. 40 species (environ 240 francs) pour chacun. Le gouvernement danois paie pour vingt élèves.
  3. Il faut remarquer que le soulier islandais n’est autre chose qu’un carré de peau de phoque ou de peau de mouton reployé en deux, et soutenu sur le pied avec des courroies. Une jolie paire de souliers coûte 50 centimes.