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THÉÂTRE FRANÇAIS.

sûr que toutes les femmes apercevront la tache que je signale ; je ne cède pas au désir de blâmer, mais au besoin de montrer pourquoi Cécile, qui par elle-même n’intéresse pas, diminue l’intérêt inspiré par Marie.

Mme d’Herbigny et Melcourt sont deux figures de remplissage, et ne servent à rien. Les figures de cette sorte sont très communes dans les salons de Paris, mais je ne vois pas pourquoi elles paraîtraient sur la scène, surtout quand il s’agit de peindre l’intérieur d’une famille. Mme d’Herbigny est une coquette, amoureuse, avant tout, de son repos, curieuse par oisiveté, bavarde sans envie, indiscrète plutôt que médisante, prête à obliger pourvu qu’elle puisse le faire sans trop se déranger, meilleure que sa réputation, incapable de dévouement, mais incapable en même temps d’une perfidie qui troublerait son indolence, inoffensive par égoïsme, mais à peu près inutile en amitié. Je comprendrais très bien que Mme Forestier invitât Mme d’Herbigny à ses soirées pour s’amuser de son babil ; mais je m’explique difficilement qu’elle l’admette dans son intimité, car si elle a pour Charles une passion véritable, elle doit chaque jour être blessée par la frivolité d’un pareil caractère. Les femmes passionnées ne se lient pas volontiers avec les femmes coquettes, elles les reçoivent, mais ne les consultent pas.

Melcourt est un fat taillé sur le patron ordinaire. Il a vingt-quatre heures à dépenser par jour, et, pour tromper l’ennui, pour se distraire de son oisiveté, il se fait le confident, le conseiller officieux de toutes les femmes, qui se moqueraient de lui s’il tentait de les aimer, de tous les hommes avec lesquels il ne peut entrer en rivalité. Si l’auteur eût saisi le côté comique de ce caractère, je pense qu’il eût réussi à le faire passer pour nouveau. Mais le personnage de Melcourt n’égaie pas un seul instant la pièce. Il entre, il sort, il cause, il se tait, sans que le spectateur s’émeuve de sa parole ou s’inquiète de son silence. Melcourt se charge de parler à M. Forestier, et d’arranger les affaires de M. Serigny, sans que nous sachions pourquoi M. Serigny se confie à lui, pourquoi M. Forestier se rend à ses instances. Plus tard, il presse l’amant de Marie de questions indiscrètes, sans que nous devinions pourquoi il se croit autorisé à commettre une pareille impertinence. Chacun, dans la pièce, le prend au sérieux ; et Melcourt ne serait