tume, riche et brillant, leur sied à merveille ; il prend bien les formes et rehausse singulièrement leur beauté. Il se compose d’une jupe (faldeta) de couleur voyante ouverte par en bas et ornée de deux larges revers brochés en or qui se renversent sur le genou, et d’un corset (punta) de drap ou de velours, également brodé en fil d’or, qui se lace sur la poitrine, et par-dessus lequel se met le caso espèce de gilet, vert, rouge ou bleu, qui n’a pas de boutons, et flotte librement des deux côtés. Le caso est brodé comme le reste. Les Juives n’ont d’autres manches que celles de la chemise, lesquelles sont larges et pendantes, de manière à laisser voir le bras jusqu’au coude. Leurs petits pieds nus se cèlent dans des pantoufles rouges. La sfifa est un diadème de perles, d’émeraudes ou autres pierres précieuses, qui s’attache sur le haut du front et couronne dignement ces gracieuses têtes. Les jeunes filles portent leurs cheveux à longues tresses, comme les Bernoises ; les femmes mariées les coupent ou les cachent. Cet ensemble est pittoresque ; cet éclat, cet or, contrastent avec les couleurs sombres auxquelles les hommes sont condamnés. Cependant, si la police maure n’intervient pas dans la toilette des Juives, elle les oblige, quand elles sortent, à se découvrir la moitié du visage, pour les distinguer des Moresques, qui laissent voir à peine un œil.
Les Juives sortent peu, car elles craignent toujours quelque insulte de la part des musulmans, insultes qui demeurent toujours impunies, ou si on les venge, ce n’est pas sur l’agresseur, c’est sur la victime ; telle est la justice distributive du pays. Le moindre faux pas fait par une Juive, une démarche équivoque, ne fût-ce même qu’un soupçon, sont punis par le fouet ; ces exécutions se font avec une brutalité révoltante. Nous avons vu que les femmes Maures sont châtiées en secret par l’ahrifa ; on n’a pas tant d’égards pour des filles de mécréans ; le premier soldat venu s’empare d’elles et les fouette en pleine rue, sans pudeur et sans pitié. On conçoit qu’exposées à de tels affronts, elles restent au logis ; leur vie, surtout celle des jeunes filles, est très sédentaire ; leur teint n’en a que plus d’éclat. Elles passent toute leur journée à vaquer aux soins du ménage, à faire des puntitas, ou à broder, tandis que les pères et les maris fraudent et trafiquent. Elles ne parlent qu’espagnol, ne savent lire dans aucune langue et portent des noms hébreux ; outre ceux d’Esther, de Judith et