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QUESTIONS EXTÉRIEURES.

raisonnable d’un peuple : elle doit offrir maintenant celui d’une lutte persévérante et constitutionnelle contre les obstacles suscités aux principes écrits dans son pacte. Les gouvernemens libres comportent les surprises et les déceptions ; la liberté peut être jouée au moyen même des formes destinées à l’exprimer et à la satisfaire. Mais quand une nation s’aperçoit qu’elle est dupe, et veut sérieusement cesser de l’être, elle peut, avec le secours de ses institutions, ramener son gouvernement à la sincérité. L’esprit progressif se manifeste surtout par cette déduction d’efforts patiens contre les empêchemens et le mauvais vouloir. Maintenant la France sera, aux yeux de l’Europe, plus originale et plus utile par la pratique soutenue des mœurs constitutionnelles que par l’abattement ou des convulsions.

Grandeur continentale. — Il est telle situation pour un état où il doit à tout prix reculer sans délai ses frontières et conquérir un point qui importe à sa sûreté, à sa vie même. La France ne connaît pas cette nécessité pressante ; elle peut attendre le moment de s’étendre et de se prolonger jusqu’où ses convenances naturelles doivent la porter un jour ; elle peut choisir son heure, ou laisser aux circonstances le soin d’amener une occasion. Au surplus la situation morale de l’Europe ne permet plus de guerre dans le but unique d’un agrandissement, d’une conquête. Les intérêts moraux sont trop étroitement unis aux résultats positifs, pour que les principes et les idées n’interviennent pas parmi les causes qui feraient prendre les armes. Mais la France doit toujours cultiver la pensée et l’amour de sa grandeur continentale ; elle doit aussi entretenir avec soin son esprit militaire et ne rien permettre qui puisse l’affaiblir ou le déprécier. L’industrie et le commerce ont leurs avantages et leurs qualités ; ils exercent même aujourd’hui une certaine prépondérance, mais ils ne sauraient suffire à l’éclat et à la sûreté de la France. Maintenons à côté d’eux l’énergie de notre esprit guerrier ; que l’honneur, métal impalpable et toujours pur, sonne au moins aussi haut que l’argent. N’oublions pas que, pendant que, dans chaque profession, le bien-être matériel s’augmente, et que les jouissances individuelles deviennent plus abondantes et plus faciles, le soldat seul ne voit pas sous le drapeau ses privations diminuer et la dureté de sa vie s’adoucir. Qu’au moins il se sente honoré, comme il doit l’être, et que l’oisi-