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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/404

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remettre en selle ce parti démonté par les évènemens, quoique seul pourtant capable de conduire l’Espagne.

Ce n’est pas aujourd’hui que les esprits sérieux commencent à apprécier selon sa valeur le système suivi depuis trois ans dans nos rapports avec ce pays, qu’on pourrait reprocher à l’ancien gouvernement une expédition devant laquelle il hésita long-temps, et que son seul tort fut d’entreprendre sans en avoir préalablement fixé l’esprit. Au lieu de s’en remettre humblement à une volonté royale qui n’était point en mesure et n’avait guère le droit d’être exigeante, il fallait savoir faire ses conditions avec elle, et la perspective d’une délivrance eût paru trop douce à Ferdinand, même à ce prix. Au lieu de se présenter comme exécutrice des arrêts de l’Europe continentale et l’avant-garde de ses armées, il appartenait à la France, sans repousser le concours moral qui lui était offert, d’agir pour elle-même, selon ses principes et ses intérêts, selon le droit très légitime d’asseoir son influence dans la Péninsule. La chute de l’insurrection militaire, dût-elle être remplacée par un gouvernement constitutionnel, était chose si précieuse aux puissances représentées à Vérone, qu’elles l’eussent acceptée comme un bienfait sous cette réserve, que rien, d’ailleurs, ne contraignait de faire avec elles. En vain le parti aux yeux duquel une opération combinée dans le double intérêt de la dynastie et de la France devenait une pure croisade de droit divin, aurait-il prétendu qu’il ne seyait pas, en délivrant Ferdinand, de substituer le joug de l’étranger à celui d’une faction ; la réponse était trop facile : ce n’était pas la coërcition exercée sur la volonté présumée de ce prince qui légimait l’intervention armée, c’était le caractère d’une révolution incapable de se régler elle-même, et devenue menaçante pour nos institutions et nos frontières. Dès-lors, pour prévenir dans l’avenir des dangers analogues ou d’une nature opposée, mais également menaçans, la France était en droit de ne consulter que sa politique. L’intervention opérée dans ce sens exerçait à l’intérieur une puissante influence sur l’opinion ; elle enlevait à l’Angleterre le rôle que son cabinet avait su prendre en face de la sainte-alliance ; elle eût pu nationaliser le principe représenté par la maison de Bourbon, en en faisant l’instrument de la régénération pacifique de l’Espagne, et sans doute aussi du Portugal, où le cœur du bon Jean VI était ouvert d’avance à toutes les idées saines et généreuses.

Quelques difficultés se fussent rencontrées sans doute, moindres toutefois que le concours actif offert par tant d’hommes honorables qu’allait frapper une réaction brutale. On eût entendu de vieux tragalistes acclamer l’inquisition et le roi absolu ; le Trappiste et Mérino eussent protesté ; Bessières se fût fait fusiller un peu plus tôt, et l’insurrection des aggraciados, au lieu d’éclater en 1827, eût commencé à temps pour que l’armée