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AFFAIRES DE ROME.

le courant du livre, est continuelle et frappante, je ne dis pas seulement pour un croyant, mais pour un lecteur exercé. À tout moment l’auteur se suppose le même, et il ne l’est pas. Il s’étonne que le cardinal Lambruschini, autrefois approbateur de ses actes et de ses doctrines, ne le soit plus, comme si l’Avenir et le Conservateur étaient la même chose. Il explique l’animosité des jésuites contre lui par un passage du livre des Progrès de la Révolution (1829), et il ajoute après avoir cité ce passage : « On conçoit donc pourquoi leur institut ne nous paraissait pas suffisamment approprié aux besoins d’une époque de lutte entre le pouvoir absolu des princes et la liberté des peuples, dont le triomphe à nos yeux est assuré, » et il oublie que, pour l’accord logique, il faudrait était assuré, ce qui serait inexact en fait, et même entièrement faux, puisqu’en 1829 ce n’était point par ce côté, mais par l’autre bout, qu’il remuait les questions sociales. Au milieu de ces oublis, de ces absences, où pourtant ne manquent jamais la bonne foi et la candeur, notez comme très présent un portrait de feu le cardinal — duc de Rohan, qui est le plus joli, le plus vrai et le plus malin du monde.

On sent bien que je n’ai pas ici à défendre Rome contre M. de La Mennais, ni à chicaner M. de La Mennais sur sa rupture avec Rome. Ce que je ne puis m’empêcher de relever, c’est ce qui tient à la logique même, à la série d’idées et de doctrines du grand écrivain. Or, je trouve que, dans ses griefs contre Rome, il n’y a rien dont l’abbé de La Mennais l’ancien, celui d’autrefois, celui même de l’Avenir, pour nous en tenir là, n’eût eu de quoi se jouer si on lui en avait fait matière à objection. Car que le pape lui témoignât plus ou moins de bon vouloir, plus ou moins de gratitude pour ses services passés, ou bien seulement sévérité silencieuse et sèche indifférence, c’était affaire de politesse et de manières, ce n’est pas de cela qu’il s’agissait avec lui fidèle et croyant. « Il n’existe, dit M. de La Mennais, pour chaque chose qu’un moment dans les affaires humaines, » et, selon lui, 1831 était ce moment. Or, la papauté, en manquant l’à-propos, et en proclamant alors certains principes politiques serviles, s’engageait dans une voie d’où elle ne pourrait plus revenir en aucun temps. Forcé donc d’opter entre la papauté, qui s’enchaînait à tout jamais à des principes faux, et l’indépendance absolue, il dut réfléchir beaucoup, dit-il, et aujourd’hui il se déclare émancipé. M. de La Mennais, en raisonnant ici