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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/510

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REVUE DES DEUX MONDES.

inspiré, après la lecture de l’article auquel je réponds, d’écrire à M. Sainte-Beuve une lettre de remerciemens dont je suis sûr qu’il n’a pas suspecté un moment la sincérité.

Avant de lire cet article, que j’ai désiré, que j’ai demandé peut-être, non pour l’avoir de complaisance, comme on a pu en juger, mais pour apprendre du plus ingénieux et du plus sagace contradicteur de mes doctrines, par où je pouvais soit les exagérer, soit les mal défendre, j’avoue que j’ai craint un moment pour ma foi : j’étais comme un chrétien du ive siècle, attendant avec angoisse les savantes et spécieuses attaques de quelque Libanius. Cette crainte est passée. J’ose dire que ma foi est restée intacte, et que M. Sainte-Beuve non-seulement ne l’a pas ébranlée, mais qu’il l’a enfoncée plus avant en moi, en en faisant honneur à mon bon sens, en lui donnant l’importance d’un plan de conduite suivi avec habileté, en la déclarant d’ailleurs bonne en soi, et utile à tous. Une fois assuré qu’il n’avait pu ni voulu m’ôter ma foi, quelle bonne grace aurais-je eue à me fâcher de critiques, dont quelques-unes, complices de ma propre conscience, m’avertissent de ce qui me manque encore pour que mes écrits soient à la hauteur de mes principes, dont quelques autres me reprennent de certains restes du vieil homme qu’il est trop vrai que je n’ai pas dépouillé tout-à-fait, dont celles où la forme était plus sévère que le fond ont été adoucies par le baume d’une lettre amicale ? Entre honnêtes gens qui se contredisent, doit-il y avoir place pour des ressentimens de Trissotin ?


Je suis, monsieur et ami, votre tout dévoué.


Nisard.


13 novembre 1836.