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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/518

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plus entouré que d’honneurs et de prévenances[1]. Le roi Hilperik, pour fêter dignement un pareil hôte, s’étudiait à prendre tous les dehors de la politesse romaine, et à donner des preuves de savoir et de bon goût. Il faisait même à l’évêque des lectures confidentielles de morceaux de sa composition, lui demandant conseil et étalant devant lui, avec une sorte de vanité naïve, ses moindres exercices littéraires.

Ces grossiers essais, fruits d’un caprice d’imitation louable, mais sans portée, parce qu’il était sans suite, effleuraient tous les genres d’études, grammaire, poésie, beaux arts, jurisprudence, théologie ; et, dans ses élans d’amour pour la civilisation, le roi barbare passait d’un objet à l’autre avec la pétulance d’esprit d’un écolier inexpérimenté. Le dernier des poètes latins, Fortunatus, avait célébré cette fantaisie royale, comme un grand sujet d’espérance pour les amis de plus en plus découragés de l’ancienne culture intellectuelle[2], mais l’évêque Grégoire, plus morose d’humeur, et moins ébloui par les prestiges de la puissance, ne partageait point de telles illusions. Quelles que fussent sa contenance et ses paroles en recevant les confidences d’auteur du petit-fils de Chlodowig, il n’éprouvait au fond qu’un mépris amer pour l’écrivain qu’il lui fallait flatter comme roi. Il ne voyait dans les poèmes chrétiens, composés par Hilperik, sur le modèle de ceux du prêtre Sédulius, qu’un fatras de vers informes, perclus de tous leurs pieds, et où, faute des premières notions de la prosodie, les syllabes longues étaient mises pour des brèves, et les brèves pour des longues. Quant aux opuscules moins ambitieux, tels que des hymnes ou des parties de messe, Grégoire les tenait pour inadmissibles, et parmi les tâtonnemens maladroits de cette rude intelli-

  1. Gregorii Turon., Hist, francor. ecclesiast., lib. v et seq. passim.
  2. Quid ? quoscumque etiam regni ditione gubernas,
    Doctior ingenio vincis, et ore loquax…
    Cui simul arma favent, et littera constat amore,
    Hinc virtute potens, doctus et inde places
    Inter utrumque sagax armis et jure probatus
    Belliger hinc radias, legifer inde micas…
    Te arma ferunt generi similem, sed littera præfert,
    Sic veterum regum par simul atque prior.

    (Fortunati, Pictav. episc., lib. ix, carm. i, ad Chilpericum regem.)