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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

rait convaincu d’être sorti des bornes de la loi, composerait avec l’autre, et l’indemniserait selon la décision des juges[1]. Pour joindre les actes aux paroles, le roi de Neustrie expédia sur-le-champ aux trois ducs qui assiégeaient Bourges l’ordre de lever le siége de la ville, et d’évacuer le pays. Lui-même reprit le chemin de Paris avec son armée, diminuée de nombre, suivie d’une foule de blessés, moins fière d’aspect, mais toujours la même pour l’indiscipline et l’avidité dévastatrice[2].

La paix étant faite, ce trajet de retour avait lieu en pays ami ; mais les soldats neustriens n’en tinrent nul compte, et ils se remirent à piller, à ravager et à faire des prisonniers sur la route. Soit par un scrupule de conscience qui lui était peu ordinaire, soit par un sentiment tardif de la nécessité du bon ordre, Hilperik vit avec peine ces actes de brigandage, et résolut de les réprimer. L’injonction faite de sa part à tous les chefs de bande de veiller sur leurs gens et de les contenir sévèrement était trop insolite pour qu’elle ne rencontrât pas de résistance ; les seigneurs franks en murmurèrent, et l’un d’entre eux, le comte de Rouen, déclara qu’il n’empêcherait personne de faire ce qui avait toujours été permis. Dès que l’effet eut suivi ces paroles, Hilperik, retrouvant tout à coup de l’énergie, fit saisir le comte, et le fit mettre à mort pour servir d’exemple aux autres. Il ordonna, en outre, que tout le butin fût rendu et tous les captifs relâchés, mesures qui, prises à temps, auraient sans doute prévenu le mauvais succès de sa campagne[3]. Ainsi, il rentra dans Paris plus maître de ses troupes et plus capable de les bien conduire qu’il ne l’avait été à son départ ; malheureusement, ces qualités essentielles du chef de guerre venaient d’éclore en lui hors de propos, car sa pensée était alors entièrement à la paix. La rude leçon du combat de Melun avait mis fin à ses projets de conquête, et désormais il ne songeait plus qu’à tâcher

  1. Pollicentes alter alterutro, ut quicquid sacerdotes vel seniores populi judicarent, pars parti componeret, quæ terminum legis excesserat. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 282.)
  2. Et sic pacifici discesserunt… At isti qui Biturigas obsidebant, accepto mandato ut reverterentur ad propria… (Ibid.)
  3. Chipericus verò rex cùm exercitum suum à prædis arcere non posset, Rhotomagensem comitem gladio trucidavit : et sic Parisius rediit omnem relinquens prædam, captivosque relaxans. (Ibid.)