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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/552

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jouer le même tour ? Il y a quinze ans, j’aurais fait comme Descartes ; je ferais aujourd’hui comme Leibnitz. Mais, grace à Dieu, il n’est pas question de tout cela ; et pendant que je fais ces réflexions, nous avons atteint la grève de Rotterdam et ses ports magnifiques. Je traverse la moitié de cette grande ville, qui dort dans une nuit profonde, et me rends sur la place du Marché, à l’hôtel d’Angleterre, vis-à-vis la statue d’Érasme, que je salue avant de m’aller coucher.

Le lendemain, jeudi 15 septembre au matin, nous quittons Rotterdam sans y voir personne, et nous nous rendons à La Haye, en passant par Delft, charmante ville où naquit Grotius et où le stathouder est enterré. À dix heures, nous arrivons à La Haye. Là commence, à proprement parler, mon voyage pédagogique en Hollande.

Harlem était le but principal de mon voyage. C’était là que je devais rencontrer et que je voulais étudier la seule institution qui n’existât pas en Hollande du temps de M. Cuvier, une école normale primaire.

En 1811[1] on formait les maîtres d’école comme on les forme encore aujourd’hui la plupart du temps : on prend dans les écoles de pauvres les enfans qui montrent le plus d’intelligence ; on les garde un peu plus long-temps à l’école, et on les y dresse à leur futur métier par des leçons spéciales qu’on leur donne le soir, et surtout en les employant successivement dans les différentes classes, d’abord en qualité d’aides ou assistans avec une très faible indemnité, puis comme adjoints avec un traitement meilleur, jusqu’à ce qu’enfin ils soient mis à la tête d’une école, lorsqu’il se présente une vacance quelque part. Cette manière de former des instituteurs primaires subsiste aujourd’hui, et elle est excellente. On fait ainsi des maîtres d’école à fort bon marché, et de plus on ne fait que des maîtres d’école : on ne leur apprend que ce qui est nécessaire à leur profession ; nourris dans l’école, ils en contractent toutes les habitudes, ils s’y attachent et ils y passent volontiers toute leur

  1. Rapport sur les établissemens d’instruction publique en Hollande, etc., pag. 52. « On n’a eu besoin ni de classes normales ni de séminaires pour les maîtres d’école, ni d’aucun des moyens dispendieux et compliqués imaginés en d’autres pays. C’est dans les écoles primaires elles-mêmes que se forment les maîtres d’écoles primaires et sans exiger aucuns frais particuliers, etc. »