Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
REVUE DES DEUX MONDES.

touchent les deux bouts de la république ; mais quoique ce ne soit après tout qu’une grande maison à régir, l’aspect extérieur de Bâle prouve en faveur des femmes de ménage qui sont ses ministres.

Du reste, la propreté que l’on y remarque semble le résultat de vieilles habitudes ; elle est passée dans le caractère des habitans. Cet amour excessif pour tout ce qui est rangé, net et luisant, porte même beaucoup de Bâlois à n’habiter que quelques chambres sur le derrière de leurs vastes maisons, tandis que les appartemens du devant, où n’entrent que les frotteurs, restent éternellement vides. À la vérité les occasions d’ouvrir ces salons élégans seraient rares à Bâle. Soit austérité religieuse, soit réserve républicaine, soit manque de goût pour les associations improvisées que forme le plaisir, les Bâlois ne donnent guère de fêtes et se visitent peu. On reproche à leur caractère l’insociabilité silencieuse qui se retrouve plus ou moins dans toutes les républiques suisses, et qui tient à l’orgueil bourgeois, à l’isolement et surtout à l’espèce d’égoïsme étroit qui est peut-être l’inconvénient le plus grave des petits gouvernemens. Uniquement occupés de leurs affaires, dans lesquelles ils déploient la patience persistante et calculatrice dont l’expérience a fait un proverbe contre les Suisses, ils ne font point dépasser à leurs relations d’amitié les bornes du foyer domestique. C’est sans doute à ces habitudes casanières qu’il faut attribuer la tristesse de leur ville ; mais ils lui doivent aussi peut-être la régularité de leur commerce, la sûreté de leurs opérations, et l’accroissement lent, mais solide, de leurs fortunes[1].

On sait que l’ancien canton de Bâle s’est partagé depuis peu de temps, en deux cantons, qui, grace à cette division, fournissent maintenant chacun un demi-député à la diète. La cause de la désunion survenue entre Bâle-Ville et Bâle-Campagne existe dans la Suisse entière, et menace dans ce moment la plupart des cantons d’une séparation semblable. La jalousie des campagnes contre les villes, entretenue par les priviléges de ces dernières et leur orgueil aristocratique, amènera tôt ou tard le même résultat partout. La bourgeoisie campagnarde supporte avec trop d’impatience la supériorité de fortune, de position et d’intelligence, de la bourgeoisie urbaine, pour que ces vaniteuses rivalités n’entraînent pas de fâcheux débats. Quant aux classes inférieures, ce sont, en Suisse comme par-

  1. Les capitaux des Bâlois sont immenses, et l’Alsace doit à leur emploi une partie de sa prospérité. Dans un article de la Revue de Paris (17 juillet) sur Mulhouse, il a été dit que les Bâlois prêtaient à des conditions onéreuses et à des taux fort élevés ; c’est une erreur. De nouveaux renseignemens ont mis l’auteur à même de connaître que les fonds bâlois étaient au contraire généralement empruntés à un taux inférieur à l’intérêt légal de la France.